Etes-vous quelqu'un de différent ?

dimanche 30 décembre 2012

Comment acheter son whisky quand on est en Ecosse

Aller en Ecosse, c'est l'occasion de visiter le pays, au nord de Stirling, voir les magnifiques paysages comme ceux des alentours de Ullapool. Petits conseils : préférez le nord-ouest au nord-est sauf si vous aimez la toundra. Le loch ness vaut vraiment le coup et vous pourrez dire à vos enfants si vous en avez qu'ils pourraient voir un gros animal. Evitez l'hiver car vous verriez surtout la nuit. En juillet c'est idéal. En août il pleut mais il y a le festival de la capital.

Ce voyage, c'est aussi l'occasion de visiter des distilleries, d'y humer l'air houblonné et d'acquérir quelques bonnes bouteilles.

Car l'Ecosse est de ces grandes nations dotées d'un alcool emblématiques dont elle dispute le titre avec son voisin, créant une de ces vraies haines séculaires que nous constatons ailleurs entre la Pologne et la Russie pour la vodka, entre la Bretagne et la Normandie pour le cidre.

Reste que les mêmes bouteilles se trouvent moins chers aux cavistes, et moins cher encore en supermarché...

Mais si vous voulez payer encore moins cher, allez en supermarché français car la TVA sur les alcools est relativement faible.

Certes cela manque de charme et vous ne saurez pas quel whisky est d'exportation mais tout ceci reste secondaire par rapport à la principale qualité à posséder, à savoir le goût et donc la préférence pour le whisky tourbé, et tout particulièrement le laphroaig.

Une fois votre whisky acquis, il faut trouver l'occasion et l'entourage pour le boire, ce qui n'est pas toujours facile.

N'oubliez pas d'ajouter à votre verre un peu d'eau tout à la fois pour exciter les arômes, faire hurler les béotiens, et rendre l'alcool un peu moins agressif (sauf si vous avez choisi cette boisson pour éviter la compagnie des femmes).

Dégustez. Et remerciez le snobisme qui fait que les Français aiment le whisky et vous permettent d'en acquérir si aisément.

jeudi 7 juin 2012

Garde à vue des étrangers : la Cour de cassation applique-t-elle vraiment l'arrêt Achughbabian de la CJUE ?

On parle beaucoup de l'avis rendu par la cour de cassation ce 5 juin 2012 : désormais, les gardes à vue d'étrangers en situation irrégulières prises sur ce seul fondement seraient nulles.

Remarquons que la Cour de cassation s'est contentée pour le moment de donner un avis et il n'est pas absolument certain, quoique ce soit très probable, que cet avis débouchera sur un arrêt.

Un article sur le sujet n'apparait pas inutile étant donné que les articles des journaux apparaissent ne pas toujours tout comprendre, sans parler des inénarrables commentaires des lecteurs, divisés entre obsidionalité et angélisme.

Précisons d'emblée que l'impossibilité de placer en garde à vue l'étranger en situation irrégulière de ce seul fait laisse intacte la possibilité de retenir 4h la personne au commissariat pour une procédure de contrôle d'identité. Ce que la police perd ici, c'est la facilité qui lui permettait de garder sous la main l'étranger pendant 24 voire 48 heures.

Précisons aussi que l'avis de la Cour de cassation n'a aucun effet immédiat sur les procédures en cours : aux personnes concernées de faire des recours et d'obtenir gain de cause devant la justice, sachant que le temps que cette procédure débouche, l'expulsion aura déjà pu être réalisée... La forme de l'avis permet à la Cour de cassation de donner sa jurisprudence à venir et permet donc de fait la validation des procédures en cours en attendant que la police s'adapte ou que le gouvernement réagisse... Passons au sujet intéressant, à savoir celui de la qualité de l'alignement de notre Cour de cassation à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE, à ne pas confondre avec la CEDH).

Le raisonnement de la Cour de cassation est solide mais il est intéressant de constater qu'il contredit en partie l'arrêt de la CJUE qui pourtant a fait évoluer sa position : l'arrêt Achughbabian du 6 décembre dernier.

Cet arrêt, contrairement à ce qu'on a écrit, n'est pas si atrocement compliqué mais en effet il est complexe (voir aussi cette analyse).

Selon cet arrêt de la CJUE, il n'est pas possible de sanctionner d'une peine de prison l'étranger que l'Etat veut renvoyer dans son pays, dès lors que nous sommes dans le cadre de la directive retour qui prévoit que l'étranger doit être expulsé par une mesure administrative et que l'application d'une peine de prison fait obstacle à la réalisation de cette mesure (on mettra de côté les exceptions prévues par l'article 8 de la directive).

En conséquence l'infraction prévue dans le Ceseda.(L621-1) et qui prévoit la sanction pénale de l'étranger en situation irrégulière est nulle. Ceci n'a pas de conséquence directe sur le sort des étrangers puisque la procédure judiciaire dirigée contre eux est en réalité transformée en procédure administrative d'expulsion et la peine prévue par l'article mentionné n'est ni prononcée ni appliquée. La conséquence tangible en revanche, c'est que les gardes à vue décidées contre des étrangers dont le seul tort est d'être en situation irrégulière sont nulles. En effet, la garde à vue est ouverte, pour l'hypothèse qui nous intéresse, contre les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction passible d'emprisonnement. En un mot, l'infraction disparait et avec elle le fondement de la garde à vue des étrangers à raison de leur situation irrégulière.

Jusque là, pas de contradiction avec l'avis de notre Cour de cassation nationale.

Sauf que l'arrêt Achugbabian a voulu faire un distinguo bien compliqué : la CJUE a séparé le temps où la directive retour s'applique, et où l'infraction simple à la législation des étrangers et par suite les gardes à vue prises pour cette raison sont nulles, du temps où la directive retour ne s'applique pas encore, lorsque la procédure administrative d'expulsion n'est pas entamée, à savoir concrètement l'arrestation.

Dans ce temps antérieur à l'applicabilité de la directive retour, l'infraction à la législation des étrangers n'est pas nulle, quoique elle ne puisse pas trouver à s'appliquer puisque la mise en route de la procédure administrative préviendra toujours son application, et dès lors, pour la CJUE, les gardes à vue sont légales.

Pour le dire autrement, la CJUE, avec Achugbabian a voulu tout à la fois rendre nulle l'infraction pénale à la législation des étrangers prévue au L621-1 du Ceseda mais préserver la validité des gardes à vue prises sur ce fondement.

La CJUE a donc voulu limiter la portée de sa décision mais la Cour de cassation apparait vouloir en tirer toutes les conséquences !

L'arrêt de la Cour de cassation suivra-t-il l'avis ? A cet égard il faut remarquer que l'avis du 5 juin est issu de la chambre criminelle or ce n'est pas elle qui tranchera, ce seront les chambres civiles.

Si la Cour de cassation confirme son avis, le gouvernement socialiste se retrouve avec une belle patate chaude. Peut-être s'en sortira-t-il en augmentant la durée de rétention dans les commissariats, actuellement de 4 heures. Peut-être que la police affectera des fonctionnaires à l'hypothèse des étrangers en situation irrégulière lorsqu'ils n'ont pas commis d'infraction. En attendant, la Cour de cassation n'a rien cassé.

jeudi 3 mai 2012

Pourquoi il faut voter dimanche, ou pourquoi le vote-sanction est une sottise

Dimanche, nous choisissons qui de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande sera le président de la République française.

S'offre plus globalement le choix de soutenir un candidat ou d'effectuer un vote-sanction contre le « système ». Un tel vote-sanction séduit les électeurs des tendances politiques les moins bien représentées. Pourtant, derrière ce désir de sanctionner les gouvernants par un vote-sanction, ne se trouvent que l'illusion et la complaisance.

Le postulat, la façon de voir, du vote-sanction est que nous, peuple, nous trouvons face à une classe politique intangible, de laquelle nous pouvons extirper des concessions ou récompenser des bonnes conduites par notre attitude, tel l'enfant capricieux criant ou étant gentil selon les sucreries et attentions dont il bénéficie. Par la punition qu'il subit, l'homme politique serait contraint d'adapter son discours et sa politique aux désirs de ceux qui l'ont puni. Ou pas.

Disons-le franchement : on n'attire pas les mouches avec du vinaigre. Croire que les politiques vont réorienter leur politique dans le sens souhaité par ceux qui ne votent pas pour eux n'a juste aucun sens. Croire que le vote sanction et donc la désaffection du régime précipitera sa ruine au bénéfice d'un nouveau régime plus conforme aux attentes des contestataires, cela relève du wishful thinking.

Alors évidemment, reste le petit plaisir qu'il y a à exprimer son rejet des politiques par un vote sanction. Les âmes raisonnables préféreront rejeter le postulat et les conclusions fausses du vote-sanction.

 Le postulat faux du vote-sanction

D'abord le postulat du vote-sanction, à savoir celui d'une classe politique, séparée de nous-le-peuple, qui impose ses décisions, est erroné.

Loin d'être le roi assis sur un trône, le politique serait plutôt le capitaine d'un petit bateau flottant entre deux vagues au milieu de la tempête. La tempête et les vagues, ce sont l'état de nature de la société politique, traversée par les passions et les idées à la mode, des montagnes de violence contenue.

Le politique, au lieu d'être le parasite social dénoncé par plusieurs, tient le cap du bateau ivre. Il est cette personne dont la fonction est d'intégrer les passions dans son action, de leur donner une forme politique civile, et en dernière analyse d'empêcher la réfaction totale de la société que souhaitent spécialistes et intellectuels, d'empêcher la guerre civile qui aurait lieu si les passions politiques n'étaient pas intégrées dans sa personne et ses idées.

Le caractère contre-productif du vote-sanction

La politique étant exposée comme art de rendre civiles les passions et non d'embobiner la populace – une idée dans laquelle même de bons esprits chutent -, attachons-nous à savoir maintenant quelle attitude est la plus à même de faire avancer ses idées. 

Ceux qui préconisent le vote-sanction affectent de croire qu'un tel comportement va engendrer une ré-orientation des politiques dans le bon sens (ie le leur) et à défaut une crise de régime qui débouchera sur une telle ré-orientation. Absurde.

En France, les partis se divisent entre partis de gouvernement et partis de contestation. Les seconds ne pèsent rien et le plus ils se renforcent, le moins ils pèsent dans la conduite des affaires. Ainsi des partis d'extrême-gauche et du Front National, ainsi des partis sans structure formelle de parti.

Les extrêmes étant marginalisées, le gouvernement se fait au centre : centre-droit ou centre-gauche. Le centre est le faiseur de roi, entre deux clientèles quasi-captives. L'importance du centre électoral est si grande que l'opposition n'a de cesse de prétendre que le gouvernement au pouvoir est de droite dure ou de gauche dure. Ce fut par exemple le cas des gouvernements de Nicolas Sarkozy (oui on peut le dire), pour lesquels le journal Marianne n'a eu de cesse de titrer qu'il tirait vers l'extrême-droite – un reproche ridiculisé par les résultats du premier tour.

Il y a donc une façon d'influer sur le système, qui est de voter : en votant à droite ou à gauche pour les partis de gouvernement, l'électeur déplace le champ politique des partis de gouvernement vers sa sensibilité. Le centre suit le mouvement. En votant pour les extrêmes, le non-électeur affaiblit son propre camp et précipite la réalisation de politiques qu'il exècre. Il est donc le premier responsable de son malheur et disons franchement que c'est bien fait pour lui.

Le plus la population vote pour un parti, le plus il est à même d'incarner et représenter la sensibilité de droite ou de gauche de ses électeurs. Vouloir sanctionner un parti, c'est en un mot commettre un contre-sens quant à la façon dont il fonctionne.

La moralisation de la vie politique

Mais ce n'est pas tout, le vote ne sert pas qu'à renforcer le parti le plus à même de représenter ses idées, il sert de façon générale à moraliser la vie publique.

Les amateurs du vote-sanction aime dire qu'ils ne peuvent cautionner un système corrompu. Mais ici, où et la cause, où est l'effet entre un peuple grognon et une classe politique insuffisante ?

Est-ce que ce ne serait pas plutôt l'effacement des illusions, le désenchantement politique, qui ouvre la voie au cynisme, à une classe politique sans scrupule ?

La vérité c'est que nous ne sommes pas de simples spectateurs d'un régime extérieur à nous, que nous pouvons approuver ou sanctionner. Le régime et ses caractéristiques reflètent nos propres comportements.

L'abstention, le vote sanction, le cynisme, la complaisance des mélanchonistes, la faiblesse pleurnicharde des frontistes, tout ceci n'est pas une réaction à une classe politique critiquable, ça en est plutôt la cause. Si le peuple ne se laissait pas aller à la critique facile, ré-apprenait que la politique est un art difficile, arrêtait le caprice de renversement systématique des majorités etc alors nous n'aurions plus cette classe politique qui ne croit pas au peuple et gère en prenant ses aises avec la vérité.

Si les politiques mentent, c'est parce que la population demande ces mensonges. Et c'est en votant sans illusion qu'on raréfiera le mensonge.

Des raisons d'espérer

Dans cette perspective, les libéraux devraient se réjouir de plusieurs choses : le score de Mme Joly laisse les mains libres à François Hollande en matière écologique et nous évitera une large mesure de démagogie écologiste de gauche.

Quoique la haine grégaire et ignorante qui cible Nicolas Sarkozy le rende sympathique, il faut ajouter que l'élection de François Hollande lui-même n'annonce aucune catastrophe. Rappelons-nous des privatisations et de la hausse de la bourse sous le gouvernement de Lionel Jospin, qu'on ne peut pas imputer totalement à la conjoncture. De plus, la connaissance par les Français de la crise financière en cours, le caractère captif de la gauche dure à raison de son antisarkozisme obsessionnel (saluons cette ruse de la raison), tout ceci laisse une marge de manœuvre au candidat socialiste pour gouverner au centre, réformer, et alléger derrière l'écran illisible de réformes juridico-administratives le coût du travail.

Enfin l'arrivée de la gauche au pouvoir mettrait un terme aux rationalisations antilibérales car c'est à l'idéologie prêtée au pouvoir qu'on attribue les malheurs de la France. Si François Hollande est élu, les malheurs seront imputés au socialisme, sous réserve que la critique du néolibéralisme ne parvienne à persister contre lui.

En résumé

En résumé, votez dimanche. Le plus les partis de gouvernement seront puissants, le plus ils incarneront leur sensibilité politique naturelle et le plus la vie politique sera moralisée. Le vote-sanction n'est qu'une illusion complaisante et contre-productive.

dimanche 18 mars 2012

A propos du Best-of Contrepoints


Entre autres activités gracieuses, je participe au magazine Contrepoints (en hommage à Raymond Aron), qui marche très très bien grâce au dévouement et à la faculté de jugement de ses deux rédac-chefs : 150.000 visiteurs uniques par mois et donc un des principaux si ce n'est le principal site libéral, offrant à ses auteurs associés de la visibilité et de l'audience.

J'ai mis lapin à la matte pour la réalisation d'un livre collectionnant une partie des meilleurs articles publiés sur Contrepoints. Les articles sont bons, soutenus avec arguments, statistiques, connaissances, les idées ne se trouvent pas dans la presse installée, le style est là et puis ce livre est le témoignage d'un succès éditorial qui s'affirme chaque mois davantage.

N'hésitez pas à acheter cet ouvrage, déjà vendu en France, en Belgique, en Italie, aux USA, à la page dédiée pour 13,91 euros, frais de port compris. On ne se fait pas de bénéfice dessus.

Le sommaire :


INTRODUCTION 7
274% de croissance pour les partenaires et auteurs de Contrepoints 9
ÉCONOMIE 15
Il n’y a pas de désindustrialisation 15
Les plans de rigueur, bons pour l’économie 19
Le « commerce équitable », inutile au mieux, contre-productif au pire 21
Rions un peu en attendant la crise 25
Pour en finir avec la loi de 1973 31
INTERNATIONAL 37
De l’illusion économique à la révolte en Tunisie 37
Deux recommandations pour libérer le monde arabe 40
Le Japon nous donne une leçon de résilience 45
Chávez : « Le capitalisme a tué la vie sur Mars » 48
POLITIQUE 49
Nicolas Sarkozy, président d’honneur d’Attac ! 49
François Hollande, jésuite thermodynamique 52
Le renouveau des oligarchies 57
Pas de transparence des subventions du Conseil régional d’Ile-de-France 68
10 paradoxes du libéralisme en France 74
SOCIAL 81
La gauche l’avait rêvé, la droite le fait 81
Il n’y a pas d’écart salarial hommes/femmes 88
SOCIETE ET ENVIRONNEMENT 93
Le mythe de la surpopulation 93
Les immigrés prennent-ils le travail des français ? 99
Science climatique alarmiste et principe d’exclusion 101
LECTURE ET CULTURE 109
Qui est Ayn Rand ? 109
La gestation du libertarianisme 116
L’analyse de classe libertarienne 123
Hommage à Mario Vargas Llosa 129
James Buchanan, Gordon Tullock : le Calcul du Consentement 131
Dictature libérale ? 135
HISTOIRE 143
La voie chilienne vers le socialisme 143
Le mythe des « Chicago Boys » 157
John James Cowperthwaite 161
Les mythes sur la libéralisation des trains britanniques 168

Et notre best-of ressemble à cela :

jeudi 16 février 2012

Que penser de la dernière affaire Vanneste...



Le député Christian Vanneste fait à nouveau l'affiche pour des propos sur l'homosexualité. Si l'affaire a démarré en fanfare, il n'est pas à exclure qu'elle se dégonfle très rapidement. Les propos, qui sont quasiment exacts sur le fond et n'apparaissent pas avoir été prononcés à des fins polémiques, ont déclenché l'ire de l'UMP et de quantités de politiques. De fait on peut reprocher à Vanneste l'erreur politique, mais est-t-elle bien réelle ? Pour conclure, une petite leçon de tolérance n'apparait pas inutile mais sans doute pas dans le sens voulu par M. Copé et Mme Morano.

I) Des propos choquants ?

Il y a deux questions à se poser au sujet des propos polémiques de Vanneste :
1/ Est-ce que ce qu'il dit est vrai ?
2/ Est-ce qu'il y avait une volonté polémique ?

Christian Vanneste a déclaré :

"C'est l'habitude de déformer systématiquement les chiffres. […] Il y a la fameuse légende de la déportation des homosexuels. Il faut être très clair là aussi. Manifestement Himmler avait un compte personnel à régler avec les homosexuels. En Allemagne il y a eu une répression des homosexuels et la déportation qui a conduit à peu près à 30 000 déportés, et il n'y en a pas eu ailleurs. Et notamment en dehors des trois départements annexés, il n'y a pas eu de déportation homosexuelle en France.

On peut même dire si on veut être méchant, et monsieur Buisson l'a été lorsqu’il a parlé de la sexualité sous l'occupation, on peut rappeler, que lorsqu'un certain nombre d'intellectuels français vont présenter leurs hommages à monsieur Goebbels, il y en a quand même la moitié qui sont homosexuels. […] Et notamment avec à leur tête le ministre de Pétain, M. Abel Bonnard dont tout le monde savait qu'il était homosexuel et que les résistants appelaient, d'une façon que l'on peut trouver drôle ou pas suivant les cas, la gestapette.

Donc voyez il faut relativiser tout ça. Ils ont un art consommé de déformer la réalité, de vous faire prendre leurs vessies pour les lanternes et donc d'acquérir une opinion favorable. Tout cela est faux et demande à être pensé avec beaucoup plus de réalisme, de respect des personnes bien sur, il ne s'agit pas de condamner des personnes."



Pour connaître la réalité des déportations de personnes homosexuelles en France lors de la deuxième guerre mondiale en raison de leur homosexualité, on a cet article du figaro ou un autre de l'express.

On a également l'article de l'historien Mickaël Bertrand, posté sur son blog antérieurement à la polémique.

Il en ressort que depuis 2001, on estimait à 210 le nombre de Français déportés comme homosexuels lors de la seconde guerre mondiale (bien d'autres étaient déportés à d'autres titres), puis qu'en 2007 ce chiffre a été réduit à 62. Sur ces 62, la plupart sont arrêtés en territoire allemand, sachant que l'Alsace et la Moselle sont alors ré-annexés, ce à l'exception de 7 ou 8 d'entre eux. Le nombre de morts s'élève à 13 minimum.

Il semble qu'il reste des archives à dépouiller pourtant le chiffre de 62 est donné sans cette réserve.

Sept ou huit déportés du territoire français pour homosexualité ce n'est pas rien, mais pour comparaison, en Allemagne, il y a, d'après wikipédia, l'arrestation de 100.000 personnes pour homosexualité, dont de 10.000 à 15.000 sont déportées en camp de concentration où la mortalité de cette population aurait été de 60%.

En un mot Vanneste a raison sur le fond. On passera sur le doublement du nombre d'homosexuels déportés en Allemagne.

Il faut maintenant s'atarder sur le problème de la volonté polémique. Vanneste a-t-il voulu faire un coup médiatique ?

Les propos ont été tenus dans une interview vidéo du site liberté politique, qui est un site conservateur. L'entretien, mis en ligne le 10 février 2012, a pour sujet la famille et sans surprise Vanneste s'exprime sur l'homosexualité. Ses propos s'inscrivent dans une argumentation critiquant, ironie remarquable, la sur-représentation des homosexuels dans les métiers de la communication et le biais de réprésentation de la réalité qu'il implique. Si les propos sont fermes et à contre-courant ils n'ont pas de visée polémique.

Reste le procès d'intention : à défaut de pouvoir réfuter Vanneste ses adversaires lui reprochent ses intentions ou ses fréquentations comme cela s'est fait sur lemonde.fr. Si prisé comme témoignage d'esprit critique, en réalité l'argumentation du soupçon signale la faillite de l'argumentation rationnelle et le repli sur un registre dans lequel le débat n'est plus possible.

II) Une faute politique ?


Il semble bien que le buzz soit parti de l'UMP - et pas de Vanneste - avec au premier rang François Copé et Nadine Morano, qui ont en commun des bévues à faire oublier. De là à penser que Vanneste sert de victime expiatoire, on peut l'imaginer mais on s'abstiendra de le tenir pour acquis. A gauche on a aussi dénoncé Vanneste mais apparemment on est resté dans le registre du convenu.

A la décharge de l'UMP, il faut bien voir que nous sommes en campagne et il revient donc aux membres d'un parti d'éviter de prêter le flanc à la critique ou d'accroche à la caricature. En ce sens on peut reprocher à Vanneste d'avoir commis une faute politique.

Reste qu'on peut objecter que étant donné les difficultés de l'UMP, il est rationnel de parier sur sa défaite.
Surtout, le désir qu'à eu la droite de plaire à tout le monde est précisément ce qui l'a rendue impopulaire : en fait d'ouverture, la droite a paru molle et faible à son électorat sans séduire la gauche. Vouloir exclure un député pour des propos choquants superficiellement, sur-réagir à la polémique, voilà une attitude qui se place bien dans la trame défaitiste de la droite.

On peut aussi reprocher à Vanneste que cette citation serait la goutte d'eau qui fait déborder le vase et effectivement il y a un peu de ça, même si les citations polémiques s'étalent ponctuellement sur plusieurs années. On peut craindre que le conflit avec les associations homosexuelles ne fasse virer le député à l'aigreur ce qui serait dommage de la part de ce professeur de philosophie, un des rares hommes politiques à montrer une véritable indépendance d'esprit, contre le courant et le parti. On lui reproche un défaut de tolérance ? Un rappel sur ce qu'est la tolérance s'impose.


III) Rappel sur la tolérance


D'abord qu'est-ce que la tolérance ? On dirait bien que la tolérance a disparu du débat ou plutôt qu'elle a été vidée de son contenu.

La tolérance c'est vivre avec l'autre tel qu'il est, quoiqu'on désapprouve ce qu'il pense, ce qu'il croit, ou ce qu'il fait. Il est curieux d'avoir à rappeler que la tolérance n'a de sens qu'envers ce qu'on désapprouve.

Si une personne désapprouve l'homosexualité, elle peut être tolérante ou non, si elle approuve l'homosexualité, elle n'est ni tolérante, ni intolérante : sa tolérance n'a pas d'objet.

Ensuite la tolérance, ce n'est pas seulement dire « non à l'homophobie », qui évoque un peu le fameux « pas de liberté pour les ennemis de la liberté », la tolérance c'est tout à la fois admettre que des personnes désapprouvent l'homosexualité et admettre que des personnes soient homosexuelles.

Lorsque Christian Vanneste critique l'homosexualité en prenant garde d'ajouter qu'il ne vise pas les personnes, il n'est pas intolérant. Lorsqu'une association d'homosexuels de l'UMP (Gaylib) demande son exclusion pour avoir dit ce qu'il pense, argumentant sa pensée, il y a intolérance. C'est pour cela que dans cette affaire il faut soutenir Vanneste : parce qu'on ne punit pas la vérité et parce que la tolérance ne consiste pas à interdire ceux qui pensent autrement.

La véritable tolérance doit s'exprimer contre l'hubris de notre propre raison, accepter de vivre avec des idées que notre raison rejette, accepter la division entre ce que nous pensons et ce que nous faisons, critiquer les idées mais non les personnes. La fausse tolérance c'est celle qui refuse le pouvoir de critiquer, de juger et qui impose d'accepter toutes les idées.

jeudi 26 janvier 2012

V pour Vendetta, un film fasciste ?



Rappelez-vous du film. Dans une dictature vaguement futuriste, un homme mène la résistance. Il a subi des expériences scientifiques, perdu son visage, est devenu un surhomme et cherche sa vengeance. Il vit dans un lupanar, entouré d'oeuvres somptueuses et se retrouve avec une belle minette sur les bras après l'avoir sauvée. En guise de dystopie on a en fait un fantasme d'ado.

Le méchant est un dictateur qui ressemble à Hitler pour que le spectateur soit bien sur d'être du bon côté. Ce qui n'est pas le cas, car contrairement aux apparences, dans V pour Vendetta ce sont bien les fascistes qui gagnent et il serait bon que le symbole du masque dont se sert le héros ne devienne un symbole de contestation démocratique.


Dystopie ou utopie ?

Parler du film V pour Vendetta est fréquemment l'occasion d'employer le mot savant de dystopie, qui serait le pendant sombre d'une utopie. Ainsi V aurait-il lieu dans un monde dystopique, c'est-à-dire un lieu où les choses sont organisées pour rendre les gens malheureux.

Or V n'est pas une dystopie mais l'inverse : une utopie individuelle. Et oui.

Certainement pas parce que le régime et la société décrits par le film, une sorte de fascisme, seraient bons et souhaitables.

Non, V est une utopie en ce qu'elle dépeint les groupes politiques et sociaux ennemis réels comme des fascistes, le rêve ! Les bons connaissent un destin de martyr ou d'accession à des vérités supérieures, joie ! Le combat de résistance va aboutir, autrement dit la dynamique est favorable... C'est donc... l'extase et non le cauchemar.

Quel groupe politique réel est visé par le film et dépeint en fasciste ? Simple, c'est George Bush et les conservateurs et néoconservateurs américains.

Il est notable que la BD originale de V opposait les anarchistes aux fascistes mais le scénario a été modifié par les frères Wachowski (obstinés à exploiter les filons de la gnose moderne et du nanar) pour présenter un tout autre combat. Un des auteurs, Alan Moore, qui a pris ses distances, l'a d'ailleurs compris : le film met en présence le « système américain néo-conservateur contre le système américain libéral », libéral signifiant en langue américaine : de gauche. Au combat anarchiste/fasciste présent dans la BD originale, on a donc superposé le combat gauche/droite sous l'ère de Bush fils.

Le scénario ne fait pas dans la dentelle, et recouvre tous les fantasmes d'un camp contre l'autre. Ainsi le pouvoir fasciste en place dans le film, avec son chef hitlérien, ses camps de concentration, ses expériences sur les humains, assoit-il son pouvoir en jouant la sécurité contre la liberté, or ce thème constitue une critique récurrente contre Bush. Ce thème est juste ne justifie pas pour autant un point Godwin.

Dans le film le gouvernement despotique est arrivé au pouvoir en profitant d'attentats dont il est en réalité l'instigateur – petit clin d'oeil pas subtil du tout au conspirationisme onzeseptembrien.

Mais ce n'est pas tout. Le présentateur démagogique de la télévision aux ordres est militariste et... évangéliste, soit l'équivalent d'un célèbre pundit conservateur américain. Notons encore que dans le monde de V on est exécuté pour avoir un Coran, on disparaît parce qu'on est lesbienne. Or Bush et son camp sont réputés par la plupart de leurs adversaires être défavorables aux musulmans et aux homosexuels.

Un tour sur la wikipédia anglaise abonde en notre sens :

« Many film critics, political commentators and other members of the media have also noted the numerous references in the film to events surrounding the then-current George W. Bush administration in the United States. These include the "black bags" worn by the prisoners in Larkhill that have been seen as a reference to the black bags worn by prisoners at Abu Ghraib in Iraq and in U.S.-administered Guantánamo Bay in Cuba, though the pre-Matrix draft of the screenplay also contains this reference to black bags. Also London is under a yellow-coded curfew alert, similar to the US Government's color-coded Homeland Security Advisory System. One of the forbidden items in Gordon's secret basement is a protest poster with a mixed U.S.–UK flag with a swastika and the title "Coalition of the Willing, To Power" which combines the "Coalition of the Willing" with Friedrich Nietzsche's concept of Will to Power. As well, there is use of the term "rendition" in the film, in reference to the way the regime removes undesirables from society. There is even a brief scene (during the Valerie flashback) that contains real-life footage of an anti-Iraq war demonstration, with mention of President George W. Bush. Finally, the film contains references to "America's war" and "the war America started" as well as real footage from the Iraq War. »



Qu'est-ce donc que le monde de V pour Vendetta ? Ce sont les USA de Bush tel que rêvé par ses opposants les plus hystériques c-à-d mélangé avec Hitler.

Et c'est pourquoi il est injuste de se borner à dire que V pour Vendetta est un mauvais film quand c'est d'abord une utopie au message extrêmement simple : Bush est méchant, nous sommes des victimes et ceux qui ne sont pas comme nous sont des fascistes.

Où est le fascisme ?

Le fascisme est bien présent dans le film mais pas là où on le croit.
Tout est fait pour dépeindre le pouvoir dictatorial contre lequel le héros lutte comme fasciste. Son chef ressemble à Hitler, le pouvoir a ses camps, il torture, il expérimente sur les êtres humains, il dés-humanise etc.

Mais comme dans tout bon film d'action qui se respecte, le mal prêté au méchant est en réalité le désinhibiteur de la violence dont on veut faire jouir le spectateur. Le méchant est violent ? On va le frapper avec bonne conscience. Il tue ? On peut le tuer. Il est sadique ? On va être sadique avec lui. Avec bonne conscience.

Le méchant est fasciste ? Le héros – et le spectateur qui se projette dans ce héros -, pourra être fasciste.

Que le spectateur fasse abstraction du méchant, ce prétexte au mal, et observe bien ce qui se passe dans le film et ce qu'il pourrait approuver à défaut de réfléchir.

Concrètement, que fait V ? Il tue, il séquestre, il terrorise et fait sauter le Parlement.

Que se passe-t-il à la fin ? L'armée se refuse à tirer et laisse approcher le Parlement, qui explose, par une foule de personnes anonymisées par un masque : autrement dit les institutions subverties par la masse atomisée, en un mot le fascisme.

Bref, ce film :
c'est une satire intolérante de la droite américaine, consistant à l'assimiler à un fascisme,
c'est un nanar,
c'est un film fasciste sur le fascisme.

Bonne séance !

mercredi 4 janvier 2012

Le cénacle du cuistre : a contrario

Nouvelle année et nouvelle thématique : le cénacle du cuistre, titrée ainsi en hommage au Coin du pédant, rubrique du canard satirique private eye où les lecteurs corrigent les erreurs que la politesse commande généralement de ne pas corriger.

En dépit des bonnes manières, corriger ces erreurs est utile pour se perfectionner et améliorer le monde, mais il apparait plus poli de se flageller un peu avant d'y procéder car une telle activité apparait pédante. Je ne veux pas dire que mes posts hors de cette rubrique sont exempts de pédanterie, ce qui serait pédant, je veux dire que pour opérer ces corrections et donc réaliser cette rubrique ce vice est presque nécessaire (à moins que l'avouer d'avance n'en prévienne, qui sait ?).

Une part du plaisir de cette rubrique est de débusquer la mauvaise correction et de leçonner le donneur de leçon donc que le lecteur n'hésite pas à me contredire. A pédant, pédant et demi. Toutefois inutile de me dire que le cuistre n'est pas tout à fait un pédant, je le sais mais voyez-vous le pédant est éculé tandis que les cuistres sont en paix.

Il y a moins de vice dans la vanité assumée que dans la fausse modestie affectée ou dans le ressentiment du médiocre. Le secret (indiqué donc dès le troisième paragraphe de cette nouvelle rubrique) est que la pédanterie dans la correction n'arrive bien souvent pas à la cheville de la pédanterie dans l'erreur que nous allons corriger.

Une illustration de cette dernière constatation avec au menu de ce jour : a contrario.

Il faut arrêter d'écrire a contrario à la place de au contraire en croyant améliorer son registre de langage.
A contrario signifie : à hypothèse inverse, conclusion inverse. C'est un type de raisonnement.

Je vois à ce propos que wikipédia indique la même chose, ce qui m'oblige à vérifier dans l'historique que je n'y suis pour rien. Chose faite.

Donc si vous parlez à quelqu'un qui est ou au moins doit être raisonnable, et que vous voulez juste dire "au contraire" et bien dites-le tel quel. Et si vous êtes misanthrope, dites délibérément a contrario.