Etes-vous quelqu'un de différent ?

jeudi 30 décembre 2010

Que faire en Côte d'Ivoire ? Rien.

Une crise politique se déroule actuellement en Côte d'Ivoire. Le Président en place, Laurent Gbagbo, refuse de reconnaitre sa défaite aux élections et de céder sa place au vainqueur des urnes, Alassane Ouattara.

La communauté internationale commence à faire pression sur le pouvoir ivoirien pour qu'il se soumette au verdict démocratique. Les diplomates accrédités par le pouvoir sont contestés. Des voix s'élèvent pour réclamer une intervention militaire et rétablir le bon ordre - démocratique.

C'est une erreur. La communauté internationale ne doit rien faire du tout.

La Côte d'Ivoire est un pays indépendant, la décolonisation est faite. Il faut bien en comprendre les conséquences.

Vouloir des pressions ou une intervention occidentale en Côte d'Ivoire c'est faire des occidentaux les juges en dernier recours des élections et crises politiques africaines. C'est in fine vouloir le retour de la tutelle occidentale. C'est donc une position colonialiste.

C'est aussi, pour les plus va-t-en-guerre, estimer la guerre juste pour une question de principe secondaire, qui est celui de la forme du gouvernement. C'est donc une position néoconservatrice.

Au passage il faudrait que les partisans de sanctions ou d'un renversement exprès de Gbagbo s'interrogent un peu sur la cohérence de leur position avec le cas Saddam Hussein. Mais il est vrai que l'Irak n'étant pas une colonie française, cela ne nous regardait pas...

Libre à chacun d'adopter la position qui lui parait le plus juste, à condition de comprendre en quelles fréquentations se trouvent les bonnes intentions dans cette histoire (comme au fond dans toutes les autres).

lundi 20 décembre 2010

Google Books Ngram viewer, un nouvel outil

Google propose un nouvel outil appréciable : Google Books Ngram viewer.

Le programme utilise la base de donnée de tous ces livres numérisés par google pour vous permettre de connaitre la fréquence d'occurrence d'un ou plusieurs mots dans l'ensemble des livres à travers les siècles. Les recherches se font par langue d'édition. La langue de Molière est présente.

Vous pouvez comparer sur un même graphe plusieurs mots pour comparer leurs fortunes respectives. Il faudra faire abstraction le cas échéant du parasitage des homonymes.

La présentation par google du programme se trouve sur cette page.

Quelques applications :

Le rugby perd contre le foot vers 1980 : la preuve

Les présidents de la Ve : ici. On note l'étonnante popularité de Mitterrand et l'apparition d'une rupture de classe politique avec Sarkozy.

Darwin supplante Lamarck en France en 1860 cf ici. Bizarrement cela semble plus tardif au Royaume-Uni (il faut pondérer avec les homonymes sur ce tableau) cf ici.

Un peu d'amour de la sagesse : .

Un politique, peut-être plus intéressant qu'il n'y parait : ici.

De l'économie politique : ici. Le Français sait résister à la pensée unique avec pugnacité.

dimanche 21 novembre 2010

Comment avoir un snobisme d'avance ?


Alors que les masses se précipitent à l'exposition Basquiat sans savoir que son intérêt provocateur s'est évaporé, d'autres préfèrent avoir un snobisme d'avance, et vont voir Gérôme, et son hyper-classicisme pompier.

Pourquoi le snobisme et comment s'en servir ?



I) Mais qu'est-ce que le snobisme tout d'abord ?

Frédéric Rouvillois a admirablement étudié le snobisme et notamment montré le renversement de logique qu'il y a entre dandysme et snobisme. Je n'ai pas lu l'ouvrage où il opère cette distinction mais je le mentionne histoire de ne pas plagier involontairement. (Histoire du snobisme, Flammarion, 2008)

Le snobisme est d'abord une attitude grégaire : elle nous fait imiter. L'objet de notre imitation est la classe à laquelle nous souhaitons appartenir, que nous estimons supérieur à la notre.

Est snob celui qui copie le groupe qu'il admire, mais il n'est que copie et demeure artificiel, exagéré. A l'inverse le dandy veut ne pas appartenir – logique contraire donc.

L'appréciation de la supériorité d'une classe est subjective. Il y a un snobisme d'appartenance à la noblesse, un snobisme d'appartenance aux riches, des intellectuels, des musiciens, des bohémiens etc

L'appréciation est tellement subjective que les classes idolâtrées peuvent se croiser. Un riche pourra copier le rappeur, le rappeur copier les riches.

Le copié n'apprécie généralement pas ceux qui le copient, et il modifie dès lors son comportement. Il faut donc être attentif.

En tout état de cause, le snobisme est un donné social, vous devez l'accepter ou terminer en misanthrope. Soyez désirable, et pour cela il vous suffit d'avoir le snobisme d'avance.

II) Boires et déboires du snobisme

Dans l'imitation de la classe admirée, coeur du snobisme, il y a une part de projection des fantasmes.

A) Des riches
Le cas des riches est remarquable. Le riche apparaît être une personne dépensière et pleine de morgue.

Etre riche n'implique pourtant a priori aucune débauche de luxe ni un caractère vindicatif. Au contraire, de nombreux riches ont une mentalité économe et s'ils vivent dans le confort, ils ne dépensent pas inutilement – c'est d'ailleurs une cause de leur richesse. On imagine trop souvent des riches flamboyants et dépensiers, à se demander comment ils ont pu le devenir et le demeurer.

Si les riches apparaissent dépensier, c'est à cause du snobisme... des parvenus, qu'on appelle d'ailleurs « nouveaux riches. ». Eux veulent montrer leur réussite, ils veulent prouver qu'ils appartiennent à cette classe désirée. Et le seul moyen dont ils disposent est de dépenser leur argent.

Ainsi les nouveaux riches dépensent-ils non pas parce que les riches sont dépensiers mais parce qu'ils veulent se montrer riche aux yeux de tous ; ils veulent opposer leur nouveau statut à tous.

Ce faisant ils suffira aux riches de ne pas faire de dépenses somptuaires pour se démarquer à leur tour de ces nouveaux riches.

C'est le jeu de la mode décrit par Ernst Gombrich dans ses écrits.

Mais l'image du riche dépensier et arrogant aura été installée définitivement, résultant d'un processus nécessaire qu'il n'est pas possible de contrarier : le snobisme des parvenus.

Cette conclusion est très certainement généralisable à d'autres classes : la haine dont elles sont l'objet ne doit pas tant à leurs éléments qu'aux snobs qui affectent d'en être. Car que copient-ils au fond : non pas la réalité de cette classe, mais la projection de cette classe telle que leur préjugé la leur fait apparaître.

Leçons : si vous avez de l'argent, dépensez-le de façon raffinée ; démarquez-vous des imitateurs



B) Des marques

Autre application du snobisme : les marques. Il existe une hiérarchie des marques de vêtements.

Le plus on détient des habits dont les marques sont en haut de l'échelle, le plus on s'éloigne des manants habillés des marques de faible prestige. Le plus on croit s'élever. Mais simultanément on dévoile son besoin de se distinguer de ces masses et d'imiter les meilleurs – à nos yeux. Dès lors on se trahit. Il n'aura échappé à personne que plusieurs marques supposées être de grands luxes sont portées par des personnes vulgaires.

Ainsi le bon snobisme consistera à ne pas porter de marques, ou du moins pas de marque visible. Cher lecteur, aies donc un snobisme d'avance en t'évitant les marques.

Mais tu ne gagneras qu'un temps car ceux dont tu veux te distinguer te copieront à leur tour.

Encore que... l'imitation n'est pas facile. Nos mauvais gouts révèlent la classe à laquelle nous appartenons et celle à laquelle nous aspirons. Ils nous trahissent. D'où l'utilité d'avoir un snobisme d'avance.

Leçon : ne pas porter de marques visibles



III) Le snobisme appliqué aux expositions

Postulons qu'à notre époque nous ne demandons pas tant à l'art des représentations de la beauté qu'un parfum de souffre.

Actuellement à Paris nous avons, outre Monet, les expositions de Basquiat et Gérôme. Le snobisme d'avance consistera à aller voir l'exposition la plus originale, que ne vont pas voir les masses.

Du 15 octobre au 30 janvier, vous pouvez voir Basquiat à Pompidou.
Du 19 octobre au 23 janvier, vous pouvez voir Gérôme au musée d'Orsay.


Gérôme est un peu le méchant de l'histoire de l'art. Au XIXe siècle, il défendait un style de peinture quasi-photographique et recourait à la représentation d'anecdotes : un art pompier (nommé ainsi pour moquer tous ces casques historiques faisant penser à ceux des pompiers), un art estimé lourd et creux, et démagogique avec ces scènes d'histoire édifiantes et toutes ces femmes nues pour des prétextes futiles.

Surtout Gérôme combattait vigoureusement les peintres aux idées et aux styles nouveaux, condamnés au fameux et glorieux salon des refusés.

En fin de compte, l'histoire donnait tort à Gérôme et le condamnait aux oubliettes. Pour ressortir le principal auteur pompier de celles-ci, le Musée d'Orsay a cru bon de se justifier, comme si sa gloire passé ne justifiait pas que le spectateur puisse se faire sa propre idée !

A l'inverse Basquiat a l'image d'un artiste provocateur et controversé. Or sans s'étendre là-dessus, il est devenu d'un conformisme affolant d'aimer et célébrer Basquiat pour une subversion dès lors bien étiolée. Il y a 20 ans oui, aujourd'hui non.

Ainsi le petit parfum de souffre se trouve-t-il en réalité – vous l'aurez compris – à l'exposition du musée d'Orsay, et il faudra fuir un Pompidou rempli d'imitateurs avec un train de retard.

En revanche, si vous avez la faiblesse de croire que l'art n'a rien à voir avec la subversion, qu'une telle croyance est de plus affligeante de banalité, que l'art ne peut se définir sans faire de référence à la beauté, passez votre chemin de ces deux expositions, ou visitez-les pour informations – et gagnez la course du snobisme.

Leçon : allez voir Gérôme

dimanche 31 octobre 2010

Huxley et Orwell comparés

Voici une jolie petite bande dessinée sur Huxley et Orwell qu'il vous appartient de cliquer pour la lire correctement. (En fait non : cliquez ici pour l'afficher au format le plus convenable)

Le dessin est créatif, le texte délicieux et la mise en perspective des pensées des deux auteurs brillante.

Aussi bien Aldous Huxley que George Orwell ont décrit dans des romans célèbres des fins de l'histoire ayant pour forme des mondes totalitaires. Mais les mécanismes de ces mondes diffèrent essentiellement et c'est le mérite de cette bande dessinée de le mettre en évidence aussi joliment.

Ceci dit, je n'ai pas vraiment aimé 1984. D'Orwell je préfère l'excellente satire anticommuniste La Ferme des Animaux.

Pourquoi est-ce que 1984 me laisse froid ? Parce que d'une certaine manière le totalitarisme anticipé par Orwell s'est réalisé dans l'URSS. Mais il est remarquable que ce régime s'est précisément effondré depuis l'intérieur, pour des causes internes, spontanément. Exit donc la possibilité d'une fin de l'histoire sous forme de grande dictature des esprits omniprésente.

La bande dessinée parait d'ailleurs trancher en ce sens.

Le texte est de Neil Postman dans "Amusing Ourselves to Death", le dessin de Stuart McMillen. J'ai tiré l'image du blog de ce dernier ie ici.




mercredi 20 octobre 2010

Le renversement de l'hystérie aux Etats-Unis

Rappelons avant tout que dans un système bipartisan, l'allié objectif du parti de gouvernement d'un bord est le parti de contestation de l'autre bord. Je ne reviendrais pas ici sur les différentes illustrations de cette règle.

Il y a deux ans j'écrivais un article pour expliquer comment la droite battait la gauche.

En résumé de mon article d'alors, j'exposais que les présidents Bush et Sarkozy tiraient chacun parti d'une image droitière quoique gouvernant de fait au centre-droit, ce de façon à bien hystériser leur opposition et la diviser entre modérés et excités. Ainsi ils asseyaient leur pouvoir.

Le fait remarquable aujourd'hui aux Etats-Unis est que ce mécanisme s'est retourné contre la droite : les tea parties, un mouvement à cheval entre libertarianisme et populisme, se renforcent avec un discours très hostile à Obama mais au détriment essentiellement à mon avis des Républicains.

Ainsi il y a quelques années la gauche était divisée entre progressistes intransigeants anti-bush et modérés critiques de Bush, ceux-ci craignant l'extrémisme de ceux-là. Aujourd'hui la droite est divisée de même entre anti-establishments intransigeants anti-obama et modérés critiques d'Obama, ceux-ci craignant de même l'extrémisme de ceux-la.

L'hystérie a changé de camp. Le renversement s'est fait en deux temps.

D'abord il a fallu unifier la gauche. Comment refaire le lien entre la gauche Michael Moore et celle de l'establishment ? Réponse : en présentant un candidat qui incarne les idéaux progressistes. Ce n'est donc pas un hasard si la candidature s'est jouée entre une femme et un noir. Un tel candidat neutralisait la capacité de nuisance des gauchistes, qui ne pouvaient que céder devant la crainte d'être du mauvais côté de l'histoire et bloquer la marche en avant du progrès. Fiat Obama, un homme qui pouvait incarner un rêve gauchiste tout en étant un centriste bon teint. Combinaison parfaite.

Ensuite le camp républicain s'est divisé. Les Républicains promettent éternellement la fin du big government sans jamais y donner réellement suite au pouvoir, cela leur est aujourd'hui reproché par les tea parties.

Il y a aussi la déchéance des néoconservateurs, associés à l'establishment républicain, tenus responsables de la guerre en Irak dont on perçoit bien mal le fondement et l'utilité. Les tea parties, plus libertariens, et donc opposés à la guerre en Irak en bénéficient.

Enfin il est un mouvement général de rejet des élites et des autorités, voire un mouvement conspirationniste, qui se sait illégitime et ne souhaite pas s'exprimer tel quel. Il a besoin de se greffer à un autre discours et il a trouvé ce vecteur d'expression dans les tea parties - ce qui condamne à mon avis à terme le mouvement.

Ainsi les Républicains sont incapables de capitaliser des erreurs d'Obama et seront les perdants in fine du mouvement tea party. La règle exposée en tête d'article se vérifiera peut-être encore plus tôt que je ne l'aurais cru car il apparait que les Républicains pourraient ne pas remporter les législatives de fin d'année alors qu'il était encore prévu il y a peu qu'ils en soient les grand gagnants.

dimanche 10 octobre 2010

Les moi-on-ne-me-la-fait-pas en ordre de bataille contre les banques

« Moi on ne me la fait pas ! On nous vole on nous spolie ! »

Les moi-on-ne-me-la-fait-pas, c'est tout un programme. Ils ne savent pas trop de quoi ils parlent mais... mais... on ne la leur fait pas ! « Tous pourris ! »

Vous n'êtes pas d'accord avec eux ? « Naïf ! Idiot utile ! »

Déjà Paul Valéry remarquait que les nuls se prennent pour des rois détrônés : la faute au système qui ne les estime pas à leur juste valeur !

La Société Générale perd cinq milliards ? Nos amis se sentent détroussés.

La même gagne son procès ? Cela prouve que le système est pourri.

Le fisc rembourse à la banque les impôts qu'elle a payé sur des bénéfices volatilisés ? « Au voleur ! »

Ah si on leur donne le pouvoir, ils couperont quelques têtes et restaureront la république, la vertu et la justice... Car pour les monmlfp la politique se résume au combat des gentils contrariés contre les pourrivendus forcément coalisés. Ils sont d'ailleurs toujours du côté du vent, soutenant une proposition puis une autre, généralement incapables de comprendre que le bien peut contredire le bien et que la politique est un art du moindre mal.

Ainsi il ne fait pas de doute que nos amis qui vilipendent la décision de justice faisant triompher les intérêts de la société générale seraient les premiers à réclamer l'indépendance de la justice tout en étant les premiers à hurler contre les conséquences pratiques telle que la présente décision.

Et les monmlfp vont, de courriers des lecteurs en tribunes, partout gémissant, toujours conspuant, étaler leur ignorance et leur bêtise.

Si on ne peut se réjouir des malheurs du trader, comment rester triste devant la réaction du vulgum pecus à cette affaire ?

Alors où trouve-t-on les plus belles concentrations de monmlfp ? Réponse : dans les courriers des lecteurs et plus particulièrement chez lemonde.fr, qui a sa rubrique dédiée aux réactions (je ne parlerais même pas de la presse nationale-socialiste). Ah s'il n'y avait qu'une rubrique à lire dans les journaux, je prendrais le courrier des lecteurs. Manifestement pas mal de monde y trouve la sensation d'exister enfin un tout petit peu en énonçant son petit avis indigent. (bon c'est vrai pour tout internet)

Quel merveilleux sottisier : on y apprend que la décision condamnant Kerviel à réparer l'intégralité du préjudice de la Société Générale est de la justice religieuse, ou alors aux ordres du pouvoir, que c'est une condamnation perpétuelle, que la collectivité qui paye etc.

Mais c'est là l'illusion que procure internet : nous faire croire que nous sommes intelligents quand ce sont seulement les autres qui sont idiots.

Soyons donc modeste et réfutons rationnellement quelques-unes des accusations les plus communes. Expliquons.

Non, les 4,9 milliards ne sont pas une peine. C'est la réparation du préjudice causé par le trader à la Société Générale. La juridiction a imputé la pleine responsabilité du préjudice au trader et l'a condamné à réparer celui-ci.

Ainsi la Société Générale est blanchie. Quand bien même elle aurait pu commettre quelque négligence, son trader a commis des infractions au caractère intentionnel à l'origine du préjudice. Et parce qu'il s'agit d'infractions intentionnelles, les négligences éventuelles de la banque n'entrent pas dans le calcul.

Voici le passage décisif de la décision. Pour le tribunal, « Attendu qu’il ressort néanmoins des débats et des pièces de la procédure que la Société Générale a été victime du fait volontaire de Jérôme KERVIEL, constitutif des infractions d’abus de confiance, de faux et d’usage de faux et d’introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé de données, dont il s’est rendu coupable ; que les négligences imputables à la partie civile ne sauraient être prises en compte dans la détermination de l’étendue de ses droits à indemnisation résultant de la commission d’infractions volontaires ; qu’en effet, Jérôme KERVIEL a été l’unique concepteur, initiateur et réalisateur du système de fraude ayant provoqué les dommages causés à la partie civile ; qu’il s’ensuit que la Société Générale est en droit d’obtenir la réparation de l’intégralité du préjudice financier qui en découle ; »

Le jugement a aussi le mérite de montrer un nouvel échec de la stratégie de rupture. Jouer la carte de l'opinion publique se révèle in fine un aveu de faiblesse. On pourra se reporter à cet article pour se renseigner sur les stratégies de rupture.

L'avocat de Jérôme Kerviel semble pourtant s'engager davantage dans la rupture en affirmant que la banque aurait perçu 1,7 milliard du fisc, ce que les monmlfp ont immédiatement compris comme une offrande de l'Etat au temple spéculatif quand il ne s'agit que de la restitution d'impôts dont la cause du versement a disparu : les bénéfices disparaissent et donc de même les impôts correspondants. Seuls de beaux sophismes bien démagogiques permettent de dire que c'est l'argent des français qui paie les erreurs de la finance.

Trop compliqués pour les monmlfp ? Il y a sans doute de ça. Et plus difficile encore : l'incapacité à entrer une conclusion déplaisante dans un petit système avec de petites cases ; voire l'impossibilité d'entrer une nouvelle conclusion dans un système ou les conclusions se confondent avec les postulats, et les arguments ne sont que de vilaines rationalisations des idées reçues et de la mise en accusation des usual suspects.

Car la culpabilité des banques n'est pas seulement l'aboutissement du raisonnement des monmlfp, c'est encore le point de départ.

Et peu importe le raisonnement, leur vérité c'est que la finance vole les braves citoyens, que la banque savait forcément ce que son trader faisait, et puis une décision de justice c'est trop compliqué à lire, et puis le système est vendu. Et puis à quoi bon les arguments car à eux... on ne la fait pas.

mercredi 25 août 2010

Le nom du père

L'enfant porte le nom du père. Pourquoi cette institution ? Pourquoi sa remise en cause ?

Le mécanisme est aujourd'hui combattu : pris comme une faveur gratuite accordée au bénéfice exclusif du père, il apparait illégitime.

En conséquence de quoi le législateur permet désormais de donner le nom des deux parents à l'enfant.

Pourtant il n'est pas dépourvu d'utilité que l'enfant prenne le nom du père.

En effet, si la filiation de l'enfant à l'égard de la mère ne souffre aucune difficulté, celle à l'égard du mari n'est pas absolue. C'est pourquoi le compagnon de la mère reconnait l'enfant, positivement ou implicitement - s'il est le mari. Le droit prévoit en effet une présomption de paternité sur la tête du mari.

La reconnaissance paternelle se manifeste dans le transfert du nom. Ainsi la filiation de l'enfant est établie à l'égard des deux parents.

Cette raison suffit à justifier que c'est le nom du père que l'enfant porte. Mais il en est une autre : en reconnaissant l'enfant, le père s'oblige à assurer sa subsistance. Une telle obligation protège indirectement la mère.

L'institution sociale du transfert du nom du père à l'enfant n'est donc pas une faveur inutile accordée au père mais la preuve de ce qu'il a reconnu et est en conséquence obligé à l'égard de l'enfant et de la mère.

C'est pourtant au nom de l'intérêt de cette dernière et de l'égalité qu'on supprime cette institution. Un grand classique.

vendredi 23 juillet 2010

Dictature libérale ? Libéralisme sans démocratie ?



Pour un certain nombre de personnes la lecture de Hayek se résume à une petite citation citée hors contexte par des ouvrages et blogs antilibéraux. On peut la trouver sous cette forme : [mieux vaut une] « dictature libérale à une absence de libéralisme dans un gouvernement démocratique. »

Une double portée est attribuée à cette citation.

D'abord un énoncé général : mieux vaut la dictature et le marché que la démocratie.

Et ensuite, plus particulièrement, parce qu’elle était faite à un journal chilien de droite sous la dictature de Pinochet, elle signifierait que Hayek soutiendrait Pinochet.

Parfois le tout est enrobé dans une belle histoire, avec Hayek ou Friedman en conseillers machiavéliques du caudillo.

Aussi bien l'interprétation générale que particulière est fausse.


I) Pas de soutien à Pinochet

D'abord interpréter la citation comme un soutien à Pinochet s'écroule si on lit sérieusement in extenso ce que dit Hayek.

La citation exacte, avec ce qui l'accompagne, est : « Je dirai que, comme institutions pour le long terme, je suis complètement contre les dictatures. Mais une dictature peut être un système nécessaire pour une période transitoire. Parfois il est nécessaire pour un pays d'avoir, pour un temps, une forme ou une autre de pouvoir dictatorial. [...] Personnellement je préfère un dictateur libéral plutôt qu'un gouvernement démocratique manquant de libéralisme. Mon impression personnelle est que [...] au Chili par exemple, nous assisterons à la transition d'un gouvernement dictatorial vers un gouvernement libéral. » (Entretien avec le quotidien chilien ''[[El Mercurio]]'', 12 avril 1981, d'après la documentation de Institut Hayek)

Si Hayek prévoit que le régime chilien évoluera de la dictature au libéralisme, c’est bien que Pinochet et son régime n’ont pas une politique libérale. cqfd

On ajoutera que s'il est exact que le régime de Pinochet est une dictature, que le général a violé la légalité pour s'installer au pouvoir, on ne peut pas assimiler le Président Allende au parangon de la démocratie. Celui-ci gouvernait en court-circuitant le Parlement qui détenait la majorité et réclamait sa destitution. Le parti d'Allende, s'il s'est montré finalement globalement respectueux de la lettre de la constitution si ce n'est à son esprit, n'a jamais eu la majorité absolue et se comportait de manière plus que déplaisante avec son opposition dans ses derniers mois.

Il est donc prématuré d'assimiler le dictateur libéral à Pinochet et le démocrate antilibéral à Allende.

En tout état de cause il est erroné de comprendre cette citation comme endossant Pinochet quand Hayek espère une évolution libérale du régime dictatorial de celui-ci.


II) Pas de théorie politique antidémocratique

Ensuite l'interprétation générale de la fameuse citation comme rejet de la démocratie au profit du marché est fausse car Hayek ne limite aucunement le libéralisme dont il fait état au seul libéralisme économique.

Rappelons que pour les antilibéraux, Hayek opposerait la démocratie au libéralisme économique. Or jamais dans sa citation, qu’il s’agisse de l’original ou d’une version altérée, Hayek ne limite le libéralisme au libéralisme économique.

Ce que fait Hayek, c'est dissiper la confusion, fréquente, entre les notions de libéralisme et démocratie.

Incertitudes sur la notion de démocratie

Aujourd'hui tout le monde est démocrate. Le prix de cet unanimisme est une grande incertitude sur la définition de cette notion.

S'agit-il de la loi de la majorité, du consensus généralisé, d'un mouvement égalitariste, de l'état de droit, d'un mode de division des passions, d'un système réaliste de transition pacifique au pouvoir ? (On pourra se reporter à cet ancien article qui recueille des citations sur la démocratie et montre la variété des approches.)

La démocratie est confondue avec des idées voisines, au premier rang desquelles se trouve le libéralisme.

La démocratie devrait se définir premièrement comme mode de désignation des gouvernants par le mode du suffrage universel. C'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple (citation de Lincoln qu'on retrouve dans la Constitution française). Si ce système est souhaitable, il n'est pas suffisant car la majorité peut vouloir un mal, aux dépens des minorités.

La démocratie peut faillir et d'ailleurs Hayek provient précisément d'un pays où la faillite de la démocratie a eu de graves conséquences. Il a acquis la nationalité britannique en 1938, refusant l’anschluss.

Confusion entre démocratie et libéralisme

Le libéralisme doit quant à lui se comprendre des contre-pouvoirs et autres mécanismes de limitation du pouvoir : la presse, le marché, le règne de la loi etc.

Mais le libéralisme ne suffit pas à faire un gouvernement, il faut encore une assise populaire, la légitimité, à ces mécanismes. La démocratie est aujourd'hui le régime qui est perçu comme le plus légitime quand ce n'est pas le seul ; il est en outre légitime per se en ce qu'il intègre tout le corps politique dans le processus électoral.

C'est pourquoi il est nécessaire de combiner les idées démocratique et libérale.

Et ce que nous appelons généralement démocratie est plus précisément la démocratie libérale, combinaison des idées démocratiques et libérales. Mais il est concevable que d'autres combinaisons se fassent.

La démocratie s'oppose à la dictature, le libéralisme s'oppose à l'absolutisme.


Victime de son succès, la combinaison est devenue confusion. Celle-ci est telle entre les deux notions que ce que défendent nombre les promoteurs de la démocratie est en réalité le libéralisme duquel la démocratie a été considérablement vidé.

Par exemple, il est à la mode actuellement de définir la démocratie comme le pluralisme or précisément le pluralisme n’a rien à voir avec la démocratie pure, qui est le gouvernement du peuple. Le pluralisme est, tout comme le libéralisme, un complément de la démocratie. A ces partisans, on serait tenté de demander s'ils préfèrent une démocratie sans pluralisme ou le pluralisme sans la démocratie...

Il convient donc de restituer leur sens aux mots et de bien distinguer les idées. Ainsi Hayek de nous montrer que le libéralisme n’est pas la démocratie, qu’il est possible de concevoir l’un sans l’autre et de les ordonner.

La même typologie que… Pierre Rosanvallon

Pour ceux qui ne sont pas convaincus, indiquons que la typologie présentée ici, distinguant les idées démocratique et libérale habituellement confondues, n'est évidemment pas propre à Hayek. On la retrouve aussi chez Pierre Rosanvallon, qui n'apparait pas être un ultralibéral.

Dans son ouvrage la démocratie inachevée, cet auteur nous présente un régime libéral mais sans démocratie et un régime démocrate sans le libéralisme.

Il s'agit des régimes respectifs de Louis-Philippe et Napoléon III.

Et en effet mieux vaut Louis-Philippe que Napoléon III.


III) La nécessité ponctuelle de la dictature

Par ailleurs Hayek affirme noir sur blanc qu’il est contre la dictature sauf lorsque cela est nécessaire à titre transitoire.

Or un tel énoncé est absolument évident. La dictature, au sens de l’institution romaine du pouvoir absolu mais caractérisée par sa légalité, sa légitimité et son caractère temporaire (typologie lue chez Aron) est nécessaire à n’importe quel régime.

La 5e République elle-même prévoit trois modes de dictature : les pleins pouvoirs de l’article 16, l’état d’urgence et l’état de siège.

Si la politique est un art du moindre mal et d'apaisement des passions, il arrive que les démagogues soient prêts de prendre la place des politiques. Il arrive aussi que le corps social se dissolve et que la guerre civile approche. Il faut alors sauver la démocratie libérale et la paix, et la dictature est nécessaire.
Cela est particulièrement vrai pour l'expérience historique qui a marqué Hayek : le renversement de la République de Weimar par les Nazis. Il eut été préférable que les anciennes élites ou les démocrates maintiennent de force le régime plutôt que le laisser aux démagogues, quelque démocratique soit leur légitimité.

Tout le monde de sensé sera d'accord avec ce constat... sauf si c'est Hayek qui le prononce...

Conclusion


Ce qui est remarquable avec cette boutade de Hayek, c'est qu'elle perd tout son caractère choquant si on apprécie avec un peu de rigueur son contenu.

La démocratie n'est pas une abstraction d'autant plus abstraite qu'on la définit comme un bien absolu, c'est un mode de désignation des gouvernants par le peuple qui peut faillir.

La dictature n'est pas que l'exercice illégal et illégitime du pouvoir, c'est encore la faculté que se réserve n'importe quel régime d'accroitre ses pouvoirs dans des circonstances exceptionnelles pour préserver le pays de la guerre civile.

dimanche 4 juillet 2010

Pourquoi les jeunes ne trouvent pas de boulot ?

Pourquoi les jeunes ne trouvent pas de boulot ?
Où il sera montré que Nicolas Sarkozy n'y est pas pour rien (pour augmenter mon tirage comme tous les journaux ?)


Deux raisons à la question en titre :

1) L'incompréhension de l'économie par les jeunes,
2) L'incompréhension de l'économie par les vieux.

Et je ne parle pas de la discipline de sciences sociales mais des interactions humaines d'échange et du circuit de production.

Commençons.

1) Les jeunes ne comprennent rien à l'économie

Loin de moi l'idée de jouer dans la démagogie anti éducation nationale pourtant le problème réside en partie dans notre système éducatif.

Aussi bien le contenu de l'enseignement que le mode d'enseignement ont des effets pervers.

Contenu - Le contenu de l'enseignement, abstrait, est très largement inutile à la vie professionnelle future. Il serait curieux de connaitre quelle part des travailleurs se sert de ses connaissances acquises à l'école pour son activité professionnelle ? Certainement une part faible.

Il n'est pas inutile d'apprendre l'histoire, le latin, la bio et la chimie. Mais ces enseignements n'ont pas de finalité pratique. Et du fait de leur nombre, ils prennent la place d'enseignement plus manuels. (un effet d'éviction)

Il est vrai que les élèves, fidèles à l'air du temps, ont peu d'estime pour les enseignements manuels.

Il est vrai surtout que la finalité réelle du contenu de l'enseignement n'est pas d'enseigner mais de sélectionner. Faut-il être satisfait de cette hypocrisie ?

Ainsi le système éducation nous apparait déjà séparé du système de production, ce qui me permet de venir à la seconde partie du problème, et la plus importante : le mode d'enseignement.

Mode d'enseignement - Après toutes ces années sur les bancs de l'école, l'élève en a assimilé la logique. En revanche il ne connait pas celle du monde du travail. Or les deux mondes obéissent à des règles très différentes.

A l'école il est demandé à l'élève d'être obéissant (y compris et même surtout dans les matières où l'on prétend faire exprimer de l'esprit critique). L'obéissance et donc les bonnes notes ouvrent toutes les portes. Dans le système scolaire vous êtes libre de vous orienter comme vous le souhaitez sous réserve d'avoir les notes qui le permettent. Et pour avoir ces notes, il faut bêcher. C'est la même logique que l'argent de poche. Il faut savoir doser entre réclamer et être sage.

Dans le monde du travail, l'obéissance est requise mais ce qui est demandé avant tout c'est d'être utile, productif. Il faut rapporter de l'argent, au moins pour couvrir son propre coût.

Mais l'étudiant, qu'il fasse des petits boulots ou pas, me semble rester prisonnier de la logique de l'école : il se croit en droit de choisir comme il le souhaite sa voie professionnelle en la payant de son effort.

Or il n'en est rien. Le travailleur en devenir n'entre plus dans une école mais sur le marché du travail. Il ne peut choisir ce qu'il veut mais ce que le marché offre. Le marché propose à peu près tout, mais pas aux même prix, le prix étant fonction de l'offre et de la demande et donc de l'utilité sociale de l'emploi requis et de la rareté des talents nécessaires.

En d'autres termes, à l'école on est au service de soi-même, dans le monde du travail on est au service d'autrui, ce car la contre-partie de la rémunération est le trravail effectué, le service rendu.

Le manque d'intégration entre le système éducatif et le système de production a ainsi pour conséquence de nourrir des illusions. Le monde du travail est fait d'emplois qui doivent satisfaire à la fois les producteurs et les consommateurs.

Croire que la société devrait fournir à chacun l'emploi qu'il souhaite est illusoire et égoïste. C'est en ce sens - et seulement en ce sens - que Thatche avait dit there is no such thing as society.


L'étanchéité entre circuis de l'éducation et de la production a aussi pour effet pervers de favoriser l'atomisation de l'individu. Cette atomisation se manifeste de plusieurs manières. D'une part, comme indiqué auparavant, il nourrit la croyance que l'individu choisit la voie qui lui chaut sans tenir compte de ce que la société demande.

D'autre part c'est le travail qui intègre le mieux dans la vie. A ce sujet, mentionnons la parfaite véracité d'une formule que les Nazis ont malheureusement corrompue : arbeit macht frei. Par cynisme ou pour tromper leurs victimes, les nazis plaçaient cette formule à l'entrée de leurs camps d'extermination. Néanmoins cette formule leur est largement antérieure et témoigne à mon avis d'une profonde vérité.


Un dernier mot sur l'artificialité du processus scolaire. Il est remarquable que les connaissances acquises à l'école sont en réalité très rapidement oublié. Preuve en est l'orthographe de tous ces élèves qui oublient sitôt quitté l'école ce qui leur a été enseigné pour se soumettre aux conventions des groupes qu'ils suivent.

Il faut se débarrasser de cette idée d'une école qui servirait de cocon où l'on enseignerait de façon neutre des connaissances à des esprits vierges.

Comment y remédier ?

Il m'arrive de penser qu'une solution pourrait consister en la mise en place d'une sorte de bourse des métiers dont les prix seraient communiqués aux élèves. Autrement dit, les élèves connaitraient les revenus de chaque emploi et pourraient se décider en fonction de ses prix, quitte à choisir être mal payé mais faire ce que l'on souhaite.

Mais une telle solution générerait vraisemblablement l'envie et la haine sociale.

Je me contenterai donc de conseiller l'intégration entre les systèmes d'éducation et de travail histoire de dissiper au plus tôt de tragiques malentendus.


2) Les vieux ne comprennent rien non plus à l'économie

Ceci est une hypothèse optimiste car pour expliquer leur comportement il y a une alternative :

- Les vieux ne comprennent rien non plus à l'économie,
- Ils sont malveillants et empêchent délibérément les jeunes d'avoir un travail.

La rigidité à l'entrée du marché du travail
On connait la chanson, le pendant des systèmes de protection sociale est l'accroissement du coût du travail et in fine le chômage

Puisqu'il n'est pas possible de renvoyer sans risquer de lourdes pénalités financières, on embauche moins.


Des arguments simples et rationnels mais pas compris par grand monde. C'est la théorie des insiders/outsiders. La nouvelle summa divisio du monde du travail, c'est celle qui sépare ceux qui ont un travail et sont protégés par le système, contre ceux qui n'ont pas de travail et sont en grande insécurité et doivent accepter divers types d'emplois précaires pour assurer les privilèges de la première catégorie.

Le cas du système de retraite par répartition (d'origine pétainiste d'ailleurs) est éloquent : non seulement il fait peser des charges toujours croissantes sur les travailleurs et donc augmente le coût du travail et in fine contrarie l'embauche des jeunes, mais en plus il consiste en un transfert de richesse des jeunes vers les vieux. Doublement antisocial.


La négation des différences de productivité

Les jeunes sont moins productifs en ce sens qu'ils ne sont pas formés et ne connaissent pas les routines et génèrent logiquement moins de production. Il faut ajouter à cela qu'on perd à court terme la productivité de leurs formateurs.


Cela est plus vrai dans les domaines de haute spécialisation.


En outre l'employeur prend un risque en embauchant une nouvelle personne car celle-ci peut se révéler incompétente et représenter un poids mort pour l'entreprise.


Le nouveau travailleur produit moins or c'est la production qui une fois vendue procure les revenus à l'entreprise et paie les salaires. En conséquence de quoi il est illusoire de croire que le nouvel entrant devrait être payé comme tous les autres salariés. Le nier c'est empêcher les jeunes d'obtenir du travail.


Dominique de Villepin, lorsqu'il était premier ministre, a institué brièvement le contrat première embauche (CPE) qui facilitait la rupture entre l'employeur et un jeune embauché en CPE. Interprété comme la précarisation du travail des jeunes, une telle mesure visait au contraire à faciliter l'intégration des jeunes dans le monde du travail.

De nombreux jeunes ont défilé et obtenu le retrait du CPE. Deux conséquences : ils ont supprimé un outil qui était fait dans leur intérêt, et ils ont pavé la voie de la victoire de Nicolas Sarkozy en éliminant au bon moment son principal rival à droite. Amusant, non ?


Au final la précarisation s'accroit. Elle n'est que la conséquence inéluctable d'une jeunesse qui se dirige vers des emplois que la société ne demande pas et un coût du travail trop élevé.


Emergent tout un tas d'emplois précaires. Le plus grand succès est celui du stage : il offre à l'employeur un travailleur peu qualifié, peu payé, corvéable et sans pérennité, il offre au stagiaire une vague formation et le droit d'inscrire une ligne de CV qui le rapproche du Saint-Graal : le CDI... Le stage permet surtout de court-circuiter toute la législation de protection des travailleurs.


Qui serre trop mal étreint. La protection des travailleurs se retourne contre les plus faibles d'entre eux.


En conclusion : que faire ?

Enseigner mieux l'économie ? Laissons tomber.

Il y a deux choses à faire : 1/ intégrer l'éducation et la formation professionnelle, 2/ assouplir la législation du travail.

mardi 29 juin 2010

Le coq de la farce

Aaah la coupe du monde. Comme toujours nous allons subir le matraquage d'éditorialistes en peine d'idée qui se plaignent de l'omniprésence du foot. Les footeux sont ravis, et même les badauds prennent plaisir.

Mais cette année, ce sont les amateurs de farce qui sont aux anges car celle qui se déroule actuellement restera dans les annales du comique et de l'infamie.


Un article se justifie pour faire le point !

Tout d'abord l'équipe de France se qualifie in extremis pour la coupe du monde de façon bien douteuse. Grâce à des matches de barrage organisés suivant une interprétation complaisante des règlements et un but marqué contre l'Irlande sur une passe décisive faite... de la main.

ça augure mal. Mais avec l'équipe de France l'irrégularité est la règle : finaliste en 2006, dernière en 2002 (bien que favorite...), victorieuse en 1998, absente en 1994... Sait-on jamais : l'équipe de France va peut-être faire la une...


Premier match, contre l'Uruguay : zéro but, match nul. A ce moment on ne se doute de rien, on ignore que l'équipe nationale nous prépare une surprise qui va éclipser le ridicule qui attend d'autres équipes telles que l'Italie : équipe championne en titre, éliminée au premier tour, dernière de sa poule - poule constituée de la Nouvelle-Zélande, Slovaquie et Paraguay...

Deuxième match de l'équipe de France, contre le Mexique : plouf, l'équipe s'écroule. Le score de 2-0 ne révèle pas assez la domination d'une équipe et l'indigence de l'autre. La qualification est compromise.

On enchaine sur un psychodrame : Anelka, attaquant vedette en pleine campagne publicitaire en France, avait insulté l'entraineur Domenech à la mi-temps. Il refuse de s'excuser et est exclu de l'équipe.

Pour faire bloc et identifier la balance, l'équipe de France refuse de s'entrainer. L'équipe apparait à l'opinion publique comme une bande de petits caïds. La rumeur veut que Gourcuff aurait été écarté de la sélection pour des raisons puériles. On admire la gradation dans les évènement et l'enchainement des gags.

On se met à intellectualiser la faillite de la sélection de toutes les manières possibles... La faute à l'immigration, au multiculturalisme, au fric, au libéralisme, à Sarkozy etc

Troisième match, contre l'Afrique du sud : tout le monde n'a d'yeux que pour Gourcuff le gentil... qui reçoit un carton rouge... N'en rajoutez plus la coupe est pleine. Score final : 2 - 1. Et il n'est pas inutile de préciser que le premier but pris l'était dès avant l'expulsion du joueur français.
La France est logiquement dernière de sa poule et éliminée.


Exit la France ? Non car les politiques s'en mêlent et poursuivent le divertissement !

Roselyne Bachelot fait la leçon aux joueurs français... qui pleurent !

Nicolas Sarkozy reçoit Thierry Henry, l'attaquant star qui a assez peu joué, sans doute gardé au frais pour filer un coup de main lors des fins de match.
Les politiques veulent que les têtes tombent à la FFF.

Quel romancier aurait pu imaginer farce si machiavélique, ces relances, ces tacles ? Un seul mot : grandiose.
Sur ce, bon match

lundi 14 juin 2010

Poèmes pour l'avenir de la Belgique

Nous remercions Taranne de nous avoir transmis ces inoubliables envolées lyriques, que la passion ne rend pas toujours dans le langage le plus châtié. Ci-suit le texte de Taranne qui égaillera peut-être nos amis belges.

Au lendemain d'élections qui ont provoqué un cataclysme hélas pas vraiment sans précédent dans notre vie politique, le quotidien La Meuse Tranquille a demandé à deux grands poètes belges - l'un flamand, l'autre wallon - d'exprimer leurs sentiments et leur vision de l'avenir. Ils nous ont offert deux textes puissants que nous reproduisons ci-dessous.

L'ELAN
de Jan Van Pademaas

Né en 1935 à Geeleecrock, Jan Van Pademaas est un des grands poètes flamands, plusieurs fois considéré pour le Nobel et déconsidéré par la critique. Son épopée "Vlaanderen vrijgegeven" (La Flandre Libérée, 1966) lui a valu de nombreux prix. Il nous a dit avoir écrit ce poème en signe de concorde, afin de réaffirmer l'unité et la fraternité qui sont au coeur de l'identité belge; il a choisi le Français "parce que c'est une belle langue qu'il est fier de parler couramment, pas comme ces feignasses de Wallons qui refusent d'apprendre le Néerlandais".


Le lion flamand est un animal paisible
Il ne montre les dents que contraint et forcé
Car toute violence lui est pénible
Mais ce n'est pas lui qui a commencé

Tout ce qu'il veut, c'est vivre en paix
Avec les siens, mais la porte toujours ouverte
Car ce qu'il prêche, lui, il le fait
Pas comme ces sudistes de m....

Oui ce qu'il désire, c'est vivre dans sa langue
Tout comme ses frères vivent dans la leur
Infoutus qu'ils sont de sortir de leur gangue
Ces foutus francophones de malheur

Il ne demande qu'à oublier et à pardonner,
Car il n'est au fond qu'amour et tolérance
Cela dit ceux qui persistent à bouchonner
Peuvent faire leurs valises pour la France.

En ces temps difficiles, ces heures tendues,
Où la raison doit primer seule,
Nous devons, mes frères, garder la main tendue
De préférence dans la gueule.




L'ELIO
de Patrick Dimwitte

Né en 1950 à Moudubeek, Patrick Dimwitte est considéré comme l'une des voix majeures de la poésie francophone contemporaine. Lauréat des Prix Volapuk et Capharnaüm, son modernisme sans compromis lui a valu d'être comparé à René Char, Yves Bonnefoy, Aimé Césaire et Dominique de Villepin. Il a voulu exprimer dans ce poème "son effroi, mais aussi, en dépit de tout, son espoir".


Wallonie, ma terre, ma chair,
Tes jambes étiques de nation ménopausée
Pleurent de leurs yeux sans cils
Les larmes de sang de l'amère défaite
Mais elles te soutiennent malgré tout
Face à ton dioscure nordiste
Dents de lait, crinière de pacotille,
A la gueule baveuse de mensonges
Dansant le tango des traîtres
Sur la tombe point encore creusée
De notre âme commune.


Wallonie, ma mère, ma soeur,
Toi dont le cri sommeille au fond de moi
Comme la rivière qui hurle dans l'oubli
C'est de ton sein que surgit
Un spadassin dont l'épée est ta vertu
Et ta langue est le bouclier
Pour sauver les trois couleurs
Et dompter le Iago septentrional
Son nom aux effluves méditerranéennes
Est le triomphe de ton ouverture
La force de son caractère
Est la victoire de tes valeurs
Que ce noeud papillon
Soit le panache blanc
Qui incarne, O Wallonie, O patrie,
Ton fier majeur dressé à la face blême
De ces trouducs de flamoutches de m...

jeudi 20 mai 2010

liberté et déterminisme

On a coutume d'opposer liberté et déterminisme.

L'idée est simple : si tout est joué d'avance, si les choses obéissent sans fantaisie à des lois éternelles, alors la liberté n'existe pas.

Certes l'univers est régulier. Ce seul fait atteste de l'existence de lois universelles qui le gouvernent. L'instant nouveau après le précédent, je suis toujours là et non pas à l'autre bout du pays - ce qui est on ne peut plus souhaitable et conforme à la liberté. De même toutes les choses sont telles qu'elles doivent être, à peine transformées conformément à l'ordre des choses : ainsi la pomme lâchée poursuit sa course, le train poursuit son avancée, la pomme devient plus mûre, ce que le soleil éclairé devient plus chaud.

Les choses sont donc entièrement déterminées, la matière est contrainte.

Cela est non seulement conforme avec la nécessité mais l'est encore avec la liberté.

Car c'est parce que les choses sont déterminées, obéissent nécessairement aux lois, que l'esprit peut agir sur elles.

Ainsi je puis arrêter la pomme dans sa chute. La pomme ne passera pas à travers la main. Pas davantage elle ne déviera sa course.

Les choses étant déterminées, le fait qu'elles obéissent à des lois, rend en effet les évènements prévisibles et permet d'agir sur eux.

Si l'univers n'était pas gouverné par des lois alors l'action humaine serait condamnée. Aucune liberté n'existerait.

Quelle liberté si lorsque j'articule un son aucun ne sort de ma bouche ? Si lorsque je regarde à droite, je vois à gauche ?

Loin de s'opposer à la liberté, le déterminisme des choses en est la condition nécessaire.


« Puisque l'homme libre est celui à qui tout arrive comme il le désire, me dit un fou, je veux aussi que tout m'arrive comme il me plaît. - Eh ! Mon ami, la folie et la liberté ne se trouvent jamais ensemble. La liberté est une chose non seulement très belle, mais très raisonnable, et il n'y a rien de plus absurde ni de plus déraisonnable que de former des désirs téméraires et de vouloir que les choses arrivent comme nous les avons pensées. Quand j'ai le nom de Dion à écrire, il faut que je l'écrive, non pas comme je veux, mais tel qu'il est, sans y changer une seule lettre. Il en est de même dans tous les arts et dans toutes les sciences. Et tu veux que sur la plus grande et la plus importante de toutes les choses, je veux dire la liberté, on voie régner le caprice et la fantaisie. Non, mon ami : la liberté consiste à vouloir que les choses arrivent, non comme il te plaît, mais comme elles arrivent. »

Épictète, Entretiens, 1,35.

Évidemment le déterminisme s'applique à l'homme aussi mais la liberté n'a jamais été l'omnipotence que pour ceux qui cherchaient à la nier.

lundi 5 avril 2010

La réautorisation du Ketum et son traitement médiatique


Voici quelques temps, je vois passer l'information suivante : le Ketum, une crème utilisée par les sportifs, a été réautorisé en urgence par le Conseil d'Etat, et ce serait pour des motifs bassement économiques au mépris de la santé publique. Plusieurs journaux s'en sont fait l'écho.

L'Afssaps a en effet suspendu par décision du 17 décembre 2009 la vente des produits à base de ketoprofène à raison d'un risque sanitaire. Le Conseil d'Etat a annulé en référé cette décision le 26 janvier 2010.

Pourquoi en avons-nous eu vent ? Parce que des médias ont interprété de travers la décision de la juridiction administrative suprême et qu'il a été écrit que le Conseil d'Etat ferait primer des considérations économiques sur celles de santé publique.

Ce qui est vrai c'est que le Conseil d'Etat a partiellement motivé sa décision en invoquant l'impact financier de la décision de l'Afssaps pour le producteur concerné, le ketum constituant son second produit le plus important, de sorte que l'arrêt de sa commercialisation compromettait la viabilité de l'entreprise.

Mais ce que n'importe quel juriste devait remarquer, c'est que la prise en compte de l'impact économique par le Conseil d'Etat n'avait sans doute pas pour fin de trancher le fond mais de décider si la procédure de référé était ouverte.

La procédure de référé, qui permet d'agir très rapidement, ne peut être mise en oeuvre que dans certaines hypothèses, l'hypothèse reine étant celle de l'urgence. Et l'argumentaire économique n'avait donc pour fin la plus probable que d'ouvrir la voie du référé.

C'est cette interprétation que la doctrine - voire une simple mais sérieuse lecture de la décision - confirme cf Gazette du palais, 10 mars 2010, p. 8.

Une fois de plus on regrettera le traitement médiatique d'une décision de justice : on comprend de travers et on croit trouver confirmation de ses préjugés, en l'espèce le lieu commun de la soumission de la justice aux lobbies pharmaceutiques, avatar du on nous cache tout on nous dit rien. Ici les médias n'apportent pas la contradiction ni ne médiatisent le pouvoir mais catalysent les préjugés de leurs lecteurs.

Sur le fond, le Conseil d'Etat a réautorisé le produit en raison de la quantité marginale de cas de réactions au produit, ces cas résultant en général d'un emploi ne respectant pas l'ordonnance.

En conclusion, n'oubliez pas d'apprécier par vous-même les informations.

dimanche 14 mars 2010

Comment conserver le pouvoir en France ?

Comment conserver le pouvoir en France ? Voilà une question politique d'une importance de premier ordre. L'instabilité politique avait tué la IVe république, il semble ou semblait que la Ve commençait à prendre ce chemin à son tour : depuis trente ans, il est une loi qui veut que la majorité perd les élections. Mais peut-être le remède a-t-il été trouvé...

D'abord, exposons les manifestations de cette loi, de tête :
1981, Mitterrand met un terme à l'hégémonie de la droite,
1986, à la fin de la législature, défaite de la gauche...
1988, échec de la droite au pouvoir, Mitterrand est réélu, dissolution, la nouvelle majorité cède sa place...
1993, bérézina de la majorité, Balladur accède au pouvoir
1995, la droite se maintient, mais fait remarquable elle se maintient aux dépens du personnel en place - Sarkozy retiendra la leçon subie
1997, élections législatives ? changement de majorité
2002, rebelote
2007, comme en 1995 la droite parvient à se maintenir en envoyant au billot le personnel en place.

Bref les Français sont des râleurs et le résultat est pusillanime : changement systématique de majorité sous réserve de l'hypothèse glorieuse qui veut qu'une partie de la majorité a attiré le courroux populaire sur la partie de son camp au pouvoir et parvient ainsi à le remplacer.

Conséquences critiquables : désincitation à toute politique de long terme, course à la démagogie, gémissement permanent contre les politiques, vaine croyance que d'autres politiques pourraient mieux faire, in fine transfert du pouvoir des politiques vers l'administration.

Que faire ?

Jouer contre son camp fonctionne cf les élections de Chirac et Sarkozy. Précisons qu'il ne s'agit pas tant de stratégie délibérée que de contingences de rivalités personnelles irréductibles. Pour vaincre Sarkozy, la gauche aurait donc bien fait de... le réconcilier avec son prédecesseur... pour discréditer la "rupture" et imputer au ministre de l'intérieur sa part dans le passif du pouvoir.

Autre hypothèse : se concentrer sur le centre ie assaillir l'opposant qui s'annonce au second tour et faire abstraction des extrêmes. Hypothèse morte depuis qu'elle a échoué avec Jospin.

Mais alors quoi ? réponse : perdre les élections-hochets : régionales et autres. Pourquoi ? Parce qu'en conférant des parcelles de pouvoir à l'opposition, les élections locales lui retirent le monopole de la parole utopique. Autrement dit, une fois que l'opposition a mis une touche sur le pouvoir, elle ne peut plus arguer de ce que tout serait tellement plus merveilleux une fois qu'on l'aurait élue.

Ce plan vaguement machiavélique est-il désiré ou n'est-ce qu'explication a posteriori d'évènement que personne ne contrôle ? A mon avis cela est voulu.

Deux éléments l'attestent. En premier l'ouverture, qui participe de ce mouvement consistant à confier à l'opposition des responsabilités, et donc en creux à lui ôter le pouvoir de promettre n'importe quoi et par conséquent relever le niveau du débat démocratique. En second la systématicité de la réussite de l'opposition aux petites élections depuis quelques années, dont la dernière occurrence en date advient ce soir même.

La loi sera-telle contrecarrée ? 2012 année-test. Si la stratégie de Sarkozy marche, s'annonce le règne du centre-droit pour un moment. A défaut repolarisation prévisible du paysage politique français.

dimanche 7 février 2010

Deux trouble-fêtes : Henry Kissinger, Milton Friedman

Avant d’être les têtes de turc des contestataires systématiques, Henry Kissinger et Milton Friedman sont deux maîtres aux destins curieusement semblables. Habituellement présentés comme deux hommes du Système, il sera démontré ici qu'il n'en est rien et que tout au contraire, ces deux trouble-fêtes ont, chacun dans leur domaine, détrôné la sagesse conventionnelle et empêché l'expression des tendances lourdes des Etats-Unis.

Immigré et fils d’immigrés juifs, partis de peu, parvenus à l’excellence, grands maîtres de leurs disciplines, conseillers du prince, admirés de leur pairs, ils ont combattu chacun de leur côté les idées acquises de leur temps, se sont levés contre des tendances que l’on pouvait croire définitives : le keynésianisme en économie pour l’un, l’idéalisme en relations internationales pour l’autre. Un temps ils sont parvenus à renverser le courant, à contrecarrer d’un côté le phénomène de l’extension de l’Etat et le penchant des économistes à justifier son interventionnisme, de l’autre côté l’idéalisme des pays occidentaux. Ces victoires ne devaient pas durer car les idées qu'ils contrariaient avaient de profondes racines et les démonstrations qu'ils opposaient devaient s'effacer avec eux.

L’un fut récompensé d’un prix Nobel d’économie (1976), l’autre de la paix (1973). Certes un de ces deux prix est politique (mais ce n’est pas celui qu’on croit).

Aucun des deux ne s’intéressait à la discipline de l’autre.

Milton Friedman n’a jamais rien écrit sur la diplomatie à ma connaissance, ni prescrit une doctrine de politique étrangère.

Quant à Kissinger il présente un singulier manque de sensibilité aux idées économiques. Malgré ses grandes qualités on est porté à constater chez lui la fameuse inculture du spécialiste qui sort de son domaine. Dans une rare excursion en économie, dans ses Mémoires, il se dit convaincu par Pompidou du caractère catastrophique qu’aurait la libération des taux de change... Pour l'anecdote, il avait besoin de soutien en math quand il était jeune.

Les deux furent conseillers du même prince, Richard Nixon, mais avec une différence d’influence patente : Kissinger en était l'âme damnée ; Friedman, dont les idées n’avaient pas encore triomphées, était au contraire souvent frustré par la conduite de Nixon : politiques inflationnistes, contrôle des prix provisoires (par calcul démagogique en plus) . (correction : mais pas par l'anéantissement de l’étalon-or comme je l'indiquais dans une précédente version) .

Les deux opérèrent une rupture et il apparait aujourd'hui que celles-ci n'étaient pas définitives et que le cour normal des choses s'est remis en place.

I) La rupture de Milton Friedman

Le paradigme auquel Milton Friedman s'est opposé est comme chacun sait le keynésianisme. Un grand avantage de cette doctrine pour les hommes politiques est qu'elle justifie l'interventionnisme étatique dans le domaine économique. Au contraire celle de Friedman incrimine les effets pervers de l'interventionnisme.

En particulier, Friedman a critiqué les politiques fondées sur une analyse de la courbe de Phillips qui affirme que le pouvoir politique a la faculté d'arbitrer entre le chômage et l'inflation (le néokeynésien Phelps a également démontré le caractère vain et néfaste de telles politiques à long terme).

L'échec des relances keynésiennes des années 70 et l'incapacité à expliquer le phénomène de stagflation (chômage et inflation simultanément) entraine le succès des théories monétaristes de Friedman. La fête est finie : l'Etat doit moins intervenir.

Néanmoins la théorie de Friedman, qui prescrit aux politiques une certaine inaction, entre en porte-à-faux avec la vocation de la politique. Friedman est indirectement à l'origine de la mise en place de banques centrales indépendantes même s'il y était personnellement opposé car ne trouvant pas la mesure démocratique. L’Etat de son côté est porté à étendre sans cesse son champ d’action. Et là se trouvait le ferment de la défaisance de son héritage.

II) La rupture de Henry Kissinger

Comme l'a montré le célèbre épistémologue Karl Popper, un grand préjugé anime le monde occidental : la croyance en le caractère manifeste de la vérité, ce qui signifie que la vérité se tient devant nous et qu'il suffit d'écarter des obstacles pour la saisir. Pour résumer : côté pile, ce préjugé a permis notre développement scientifique, côté face : la chasse aux sorcières (d'ailleurs c'est à l'époque moderne et pas au Moyen-Âge qu'on a le plus brulé des sorcières). Ce préjugé se traduit en politique dans le progressisme qui nous incite au progrès mais a une déplorable tendance à noircir le passé et chercher des coupables.

Le progressisme occidental se manifeste de deux manières dans l'interprétation des relations internationales.

A l'extérieur des Etats-Unis : constatant l'existence du mal, l'absence de démocratie et la tyrannie, on expliquera ces phénomènes non pas par des causes endogènes mais par l'action d'une entité malintentionnée. Or les USA sont le pays le plus puissant du monde. Comme on ne prête qu'aux riches, les USA se voient imputer régulièrement tout désordre, putsch et guerre (et même les tremblements de terre). On ne compte plus les personnes qui croient qu'avoir de l'esprit critique signifie tenir les USA pour coupables sans preuve.

A l'intérieur des Etats-Unis : le progressisme s'incarnera dans la volonté d'étendre au monde leur système économique et politique soit la démocratie, le libre marché, la liberté de la presse etc. Cela se traduit par une politique étrangère idéaliste, c'est-à-dire libérale dans le vocabulaire des relations internationales.

C'est cette doctrine qui débouche sur les interventions militaires des Etats-Unis à l'étranger : l'engagement dans la guerre de 14-18 se fonde sur l'idéal du droit des peuples à disposer d'eux-même, en 39-45 c'est la lutte contre le nazisme, les engagements de la guerre froide contre le communisme.

Face à cette tendance optimiste, il existe le courant réaliste, intellectuellement brillant mais dont les prescriptions s'opposent aux tendances profondes du pays : on dénombre Kennan (auteur de la doctrine de l'endiguement, réaliste dans sa prescription, idéaliste dans son exécution), Morgenthau et bien sur Kissinger.


Quand Kissinger devient le conseiller du président Richard Nixon, le pays est déjà embourbé dans la guerre du Vietnam. Il faudra poursuivre la guerre car un retrait sans accord de paix détruirait la crédibilité des Etats-Unis auprès de ses alliés en pleine guerre froide.

Si Kissinger va pouvoir mener sa politique réaliste, c'est parce que l'idéalisme américain est par terre : l'enfoncement des Etats-Unis dans la guerre du Vietnam avec ses morts, ses massacres, ses scandales fait douter les Etats-Unis. Son peuple perd foi dans l'universalisme de ses valeurs. C'est l'époque de My Lai, où l'on découvrait que l'armée américaine était une armée comme une autre, pas plus héroïque et parfois aussi dégueulasse. Comment une guerre juste pouvait-elle mener au massacre sadique d'un village ?

Cette situation est intenable pour la gauche. L'establishment démocrate alors au pouvoir se dissout soudainement, Johnson disparait et ne se représente même pas. Grande déprime. L'opinion publique commence à se retourner. C'est dans ces circonstances que Kissinger accède au pouvoir sous l'aile de Nixon puis va mener sa politique. La fête est finie : les pays étrangers ne veulent pas de notre impérialisme armé de belles intentions.

Kissinger fait en sorte de composer avec les pays non-démocratiques quand cela est dans l'intérêt du pays : ainsi du rapprochement avec la Chine que ceux qui concevaient les pays communistes comme un bloc ne pouvaient imaginer, l'idéologie passant au second plan ; ainsi aussi du relatif soutien aux dictatures sud-américaines pour empêcher l'implantation de pays soumis à moscou - une crainte qui apparait excessive avec du recul.

Une politique réaliste n'a pas seulement pour but l'élévation relative du pays, elle vise aussi l'équilibre des puissances, qui n'est pas simplement un effet de ces politiques mais bien un objectif. Elle vise encore à maintenir un ordre international dont rien ne permet de croire qu'une configuration différente serait préférable, outre le fait que son accouchement ne se ferait pas sans convulsion.

Ainsi Kissinger de remarquer que la critique du shah pour son manque de démocratie n'a débouché au final que sur un régime pire, de renvoyer la responsabilité du génocide cambodgien aux antiguerres, de souligner qu'une application rigide des grands principes est source de conflit.

Mais en repoussant la promotion de l'idéal démocratique, Kissinger nourrissait la méfiance contre son pays, soupçonné d'agir pour des motifs réactionnaires ou intéressés. Il la nourrissait de l'intérieur. Ce serait d'ailleurs un contresens de voir là un combat droite/gauche. En réalité ce devait être un idéalisme de droite qui abattrait l'héritage de Kissinger : le néoconservatisme.

III) Des ruptures temporaires

Friedman et Kissinger avaient gagné une bataille, notamment grâce à leur aura et leur personnalité mais les tendances qu’ils combattaient avaient des racines profondes : l’interventionnisme de l’Etat et l’idéalisme occidental en matière de relations internationales sont des phénomènes résilients. Les deux hommes avaient remporté un combat intellectuel mais les tendances demeuraient. Leurs idées allaient à leur tour être renversées. Le vecteur de ce renversement ne devait pas être le débat. C'étaient les passions qui devaient mener l'assaut.

Kissinger avait peu d’alliés, il était attaqué aussi bien par les colombes de la gauche que par les faucons de la droite. Ces derniers ne lui pardonnaient pas la détente, qu’ils interprétaient comme une reculade. Autrement dit, Kissinger se heurtait à l’idéalisme de la gauche et de la droite ! En attaquant Kissinger, la gauche avait le sentiment d'attaquer la droite. En réalité elle fournissait des munitions aux pires détracteurs de Kissinger, les néoconservateurs, dont la doctrine commande d'exporter par les armes s'il le faut la démocratie.

Kissinger n'étant pas défendu, il fut rapidement tenu pour acquis que ce qui lui était reproché devait être vrai. Peu important l'absence de preuve. En particulier il apparait acquis pour beaucoup de monde que le coup de 1973 contre Allende porte l'empreinte de Kissinger. En réalité son implication n'a jamais été démontrée ce malgré la très grande quantité d'archives ouvertes. (cette obsession de vouloir impliquer Kissinger révèle à mon avis le refus d'admettre que ce coup a des causes endogènes)

Au bout de quelques années les néoconservateurs prenaient le pouvoir et l'héritage de Kissinger était écarté. L'idéalisme était de retour. Décidément on ne comprend pas la politique étrangère des Etats-Unis si on ne veut pas voir qu’elle est guidée par l’idéalisme et non, comme le croient les amateurs de théorie du complot, par des intérêts matériels plus ou moins secrets. De Woodrow Wilson à George W Bush en passant par Kennedy, les Etats-Unis sont les hérauts du progressisme, du libéralisme et de la démocratie. Les Etats-Unis disposent d’une force militaire qu'ils veulent utiliser pour améliorer le monde et promouvoir leurs valeurs. C’est bien la promotion de celles-ci qu’ils recherchent et non un gain matériel quand ils s’engagent en Europe en 1917, en 1941, en créant l’ONU, en adoptant la doctrine de l’endiguement qui les oblige à intervenir n’importe où pour n’importe qui pour combattre le mal absolu du communisme, en tentant l’aventure irakienne pour liquider une dictature socialiste et espérer réformer le grand Moyen-Orient, sans comprendre la méfiance et les résistances qu’ils suscitent. Combien de fois faudra-t-il le répéter ?

Quant à Friedman, on a décidé de dire qu'il était un chaud partisan des dictatures sud-américaines et l'architecte de privatisations opérées au moyen du terrorisme d'Etat cf la thèse de l'essayiste Naomi Klein. De façon plus générale il a été tenu pour l'architecte de la configuration financière actuellement en crise.

Pour abattre Kissinger on a appelé cynisme sa doctrine. Pour abattre Friedman, on a dit de sa doctrine qu'elle était antidémocratique et vicieuse. A chaque fois on a expliqué que ces doctrines révélaient la vérité des Etats-Unis, représentaient son système, alors que précisément non elles avaient neutralisé les tendances profondes de ce pays. Ruse de l'histoire, le renversement de ces doctrines se présenta comme un ouvrage de subversion alors qu'il fut en réalité une réaction qui permettait le retour aux tendances naturelles des Etats-Unis : interventionnisme et idéalisme.

La perte d'influence des doctrines des deux hommes se constate aujourd'hui : déficits abyssaux et emprise croissante de l'Etat sur la société d'une part, guerres en Irak et en Afghanistan pour installer la démocratie d'autre part.

lundi 1 février 2010

Le débat pourri du réchauffement climatique

On assiste actuellement à une remise en cause du consensus selon lequel le réchauffement climatique est un fait. Enfin "remise en cause" c'est beaucoup dire. Disons que quelques amateurs ont décidé que le réchauffement climatique était le cheval de Troie de l'étatisme.

Un peu d'ad hominem

En témoigne le numéro d'autosatisfaction de Drieu Godefridi sur lemonde.fr :
Le GIEC est mort, vive le débat !, charge contre le "terrorisme intellectuel" et l'arrogance des savants. Peut-être cet auteur ne sait-il pas qu'au Monde on aime bien ouvrir des tribunes à des points de vue pour mieux les étriller dans les répliques qui suivront. A ce petit jeu, le Monde invite rarement le meilleur champion de la cause qu'il veut démolir.

Ce qui m'embête le plus c'est que l'intéressé se dit libéral et amateur de Hayek. Oculos habent et non videbunt. Ferait-il partie de ces drôles de libéraux qui voient des complots étatistes partout, font une fixette sur l'islamofascisme et adorent les néoconservateurs ?

Assez d'ad hominem. Revenons au sujet. Que savons-nous du réchauffement climatique ?

Réponse : d'une part ce qu'on nous en dit et d'autre part la connaissance de quelques phénomènes qui ne posent pas débat tels que la fonte de glaciers millénaires et le déplacement d'espèces tropicales vers les régions censées être plus froides.

A titre personnel je ne me suis pas penché sur les preuves du débat climatologique. Comme les climatosceptiques aiment à le souligner, il y a beaucoup de faux experts dans ce débat, voeu de prudence artificiel qui signifie juste que leur opinion vaut celle des autres. Moi je ne sais pas, je le dis et je ne m'amuse pas à aller me forger mon opinion moi-même. La quête de vérité de l'amateur se finit trop souvent en prenant ses vessies pour des lanternes.

Si je ne m'y connais pas, je peux néanmoins constater quelque chose d'absolument frappant qui est la faiblesse de l'argumentation climatosceptique et son accompagnement par une puissante interprétation idéologique.

Le fondement rationnel du climatoscepticisme : des données bien douteuses

L'argumentation climatosceptique se focalise sur plusieurs données dont elle a révélé avec raison la totale vacuité (glaciers de l'Himalaya, courbe d'Al Gore, relevés de température douteux etc). Loin d'y voir la nécessaire occurrence d'erreur d'hommes faillibles ou simplement d'être humble dans la victoire, elle croit y trouver le début d'une falsification générale, duquel elle va révéler toute une mascarade comme on tire sur le fil d'un tricot pour le défaire.

Mais en réalité, si malgré tous leurs efforts les climatosceptiques n'ont pu trouver que ces quelques faits, sur lesquels ils s'appesantissent, c'est précisément parce qu'ils ne trouvent pas autre chose. Ils n'ont été aucunement capable de renverser la trame générale de faits en faveur de la théorie du réchauffement climatique.

Néanmoins ils ont effectivement révélé plusieurs affaires particulièrement lamentables de manque de rigueur chez les climatologues et sont à l'origine de la révision à la baisse de plusieurs prévisions excessivement catastrophiques. Ceci doit être porté à leur crédit.

Le fondement irrationnel du climatoscepticisme : le soupçon politique

Pourquoi les climatosceptiques ont-ils tant de soupçon contre la théorie du réchauffement climatique et de complaisance pour la théorie du complot climatologique ? Parce qu'il y a quelque chose de pourri dans le débat sur le réchauffement climatique, qui est la facilité avec laquelle la théorie du réchauffement climatique se prête à une interprétation politique.

Le levier de la critique : le millénarisme

En effet cette théorie présente les traits d'un millénarisme : la fin du monde est proche (la température augmente, nous serons submergés), elle est la conséquence de vos péchés (consommateurs égoïstes), adoptez une vie plus frugale, rejetez vos richesses, obéissez aux prophètes. De plus cette théorie se mélange aisément avec du sentimentalisme (les pays pauvres seront les premiers touchés... évidemment !), un faible esprit critique (refus de tout débat, haine de l'opinion divergente) et bien sur et surtout : de l'étatisme (il faut transformer le système en économie dirigée, faites-nous confiance).

Même si le réchauffement climatique est une théorie correcte, sa promotion n'est donc pas indifférente à quelques considérations idéologiques et il serait bon que les gens sérieux fassent le ménage des décroissants et autres rigolos.

Il est par ailleurs remarquable que nous subissions en permanence l'annonce d'une catastrophe : quid du trou de la couche d'ozone ? Il a fait pshit. Quid du DDT ? De la grippe A ? de la grippe aviaire ? De la crise financière ? Etc De quoi alimenter le soupçon.

Idéologisme des climatosceptiques

Les climatosceptiques ne sont pas en reste. A vrai dire, ils sont les plus idéologiques dans cette histoire, capable de vous dire à la fois que le réchauffement n'existe pas et que ce réchauffement existe mais n'a pas une source humaine... La coïncidence qu'ils décernent entre le mal putatif du réchauffement et le remède étatique qu'on lui attribue est décisive dans leur conviction soi-disant climatosceptique.

Le traitement des faits est incapable de s'abstenir d'une critique idéologique : on se contentera ainsi des erreurs et des excès de ceux qui soutiennent l'existence du réchauffement pour illustrer un phénomène dont on a décidé que les causes étaient politiques.

Détail amusant : les même climatosceptiques qui se gaussent de ceux qui font confiance sur parole aux scientifiques du GIEC s'abreuvent-ils de blogs pour s'informer...

Conclusion

Le succès relatif de la critique climatosceptique a au moins ceci de positif : la confrontation va avoir lieu et un camp en retirera une légitimité. En attendant il convient de ne pas mélanger les causes et en particulier ne pas risquer d'associer la cause climatosceptique à d'autres enjeux tels que le libéralisme économique, comme si une économie de marché n'était pas à même de faire face au défi du réchauffement climatique dans le cas où celui-ci serait établi.

samedi 30 janvier 2010

Avatar film va-t-en guerre ?

Je rebondis ici sur l’opinion de Pierre Desjardins exprimée dans un article du Monde.fr le 27 janvier dernier.

L’auteur soutient rien moins qu’Avatar recèle une apologie de la guerre (titre : Avatar : rien d'autre qu'une bête justification de la guerre !) : la guerre est juste en cas de cause juste mais comme en réalité chaque camp croit toujours détenir celle-ci, nous obtenons une justification de la guerre en général… Le postulat de l’auteur semble être qu’il n’existe pas de guerre juste, dénonçant un excès pour tomber dans celui inverse. Dommage.

Cette critique fait à mon avis fausse route en ce que le phénomène à l’œuvre ne se réduit pas à Avatar et qu’il n’a pas la signification que lui prête le critique. En effet, le problème n’est pas tant l’apologie de la guerre que la désinhibition face au mal et ce n’est pas propre à Avatar, ça l’est de la plupart des films d’action.

Observons ceux-ci. Le ressort du film d’action ou de comédie est laid : la personnification du mal dans le personnage du vilain rend nécessaire au héros l’emploi de la violence, qui remarquons-le néanmoins, y prend plaisir. De même que le spectateur. Loin de vouloir assister au triomphe du bien contre le mal, le spectateur veut jouir du vice, de la violence, du sadisme, de la puissance, mais sans en avoir conscience :)

Ainsi les films d'action mettent-ils tour à tour en scène le bon braqueur, le bon vengeur, ... et en ce qui concerne Avatar la guerre bonne.

Triste destin que celui du méchant : un acteur qui exprime un mal à la mesure du lot de souffrance qui l’attend pour satisfaire le spectateur… Il m'arrive de prendre pitié du méchant car son mal n’est que fiction et prétexte à l’expression d’un mal sadique bien plus tangible.

Évidemment ce phénomène qui veut que nous trouvions plaisir à faire le mal et cherchons à le justifier par le bien ne se limite pas au cinéma. C’est humain. On le retrouve tout particulièrement chez les belles âmes : ceux qui chassent le dragon au nom du bien mais en réalité pour le plaisir de bruler, ceux dont les sacrifices et l’abnégation sont autant de moyen d’obtenir des concessions, imprimer les comportements et tenir le pouvoir… Méfiez-vous des bonnes intentions. Le mal n’est pas dans les autres, il est dans le cœur de chacun.

Pour aller plus loin, indiquons que ni les tares d'Avatar, agréable divertissement, ni celles des films d'action ne se résument au trait exposé ci-dessus. Si dans Avatar on a donné au méchant la forme d'une armée belliqueuse d'un peuple envahisseur pour justifier la guerre et la violence en réplique, on lui a aussi donné des attributs technologiques, scientifiques, capitalistes en un mot modernes de sorte que le héros renonce à son peuple, sa culture et même sa nature pour rejoindre une tribu primitive, traditionnelle, mystique... et new age.... au système nerveux fusionné avec la nature... Illustration incidente saisissante du double standard à l'égard des idées réactionnaires : entre inadmissibilité et complaisance selon celui que celui qui les exprime est un égal ou le bon sauvage.

Ainsi le film d'action témoignes des préjugés du moment et construit un homme de paille contre lequel le vice peut s'exprimer avec plaisir. ça donne envie.

mercredi 20 janvier 2010

Walter sur scène


Un One man show que je conseille : Walter belge et méchant. Vu ce lundi. Agréablement provocateur, Walter passe du beauf au coquin en un éclair. Les hommes de bon gout approuveront ses maximes sur l'alcool, les femmes et l'argent, en revanche ils ne comprendront pas son appétit pour Angelina Jolie.

Le spectacle dure une heure, il a lieu dans une petite salle dans un petit bar, quartier Belleville, à la croisée des rues de la Mare et Henri-Chevreaux. Pour payer encore moins cher, cliquez ici (au cas où vous n'auriez pas compris que c'est ce qui est donné qui oblige le plus). Tous les lundis vers 20h ou 20h30.

dimanche 3 janvier 2010

Accroche et intégration des nouveaux sur wikipédia

Bonne année 2010 à tous,

Bonne année à wikipédia dont la crainte actuelle est qu'elle ne perde ses contributeurs. La raison en est simple et mécanique : les articles seraient désormais faits et donc :

1/ La capacité d'accroche de wikipédia s'estompe : on ne crée plus les articles principaux, on ne fait plus d'apport majeur, on ne peut plus intervenir qu'avec la capacité d'apporter une grosse plus-value. Bref il faut être davantage spécialiste aujourd'hui qu'aux débuts de wikipédia.

2/ Wikipédia se referme sur elle-même. Les règles informelles s'accumulent (règles de comportement et compréhension des règles éditoriales de npdv, ti, point etc) et le processus d'intégration s'affaiblit en conséquence alors même que les articles sur lesquels on se ferait la main se raréfient cf le premier point.

Bref, moins d'accroche et une intégration plus difficile des nouveaux. Risque de défaut de renouvellement des contributeurs. Danger.

Mais d'abord remarquons que ces maux ne sont que la conséquence nécessaire de la maturation de wikipédia, maturation qui est le but de ses contributeurs. Relevons ensuite des raisons d'être optimistes : le nombre de sujets augmente en fait en permanence et les sujets déjà traités servent de support à des articles plus pointus ou particuliers. Ainsi l'accroche qu'offre wikipédia change plutôt qu'elle ne se raréfie, attirant un public légèrement moins amateur.

Concernant l'intégration des nouveaux, la rigueur des règles à connaitre peut être rebutante : wikipédia publie du matériel fiable et vérifiable, pas d'analyse personnelle, attribuer les points de vue etc. Certaines règles ne sont pas écrites et s'apprennent sur le tas. C'est aux wikipédiens installés de veiller à favoriser l'intégration des nouveaux (je salue au passage ceux qui prennent le temps de wikiparrainer).

Il faut évidemment appliquer les règles contre les nouveaux si besoin, avec plus de tact. Il faut aussi s'assurer que des anciens ne se servent des règles contre les nouveaux avec lesquels ils sont en désaccord éditorial avec l'idée de les dégouter de wikipédia et leur laisser tranquille leur niche éditoriale. (chose vue, et je ne parle pas de moi) Il faut éviter à l'inverse l'angélisme à l'égard des nouveaux (et en général) : certains nouveaux n'ont pas leur place sur wikipédia, c'est comme ça.

Je souhaite donc une excellente année 2010 à wikipédia et à ses contributeurs et j'espère des nouveaux prolifiques.