Etes-vous quelqu'un de différent ?

mercredi 26 septembre 2007

Séparation des pouvoirs

Ci-suivent les meilleures pages de Histoire intellectuelle du libéralisme de Pierre Manent. Elles portent sur Montesquieu et la théorie de la séparation des pouvoirs (cf p.137 et 138) et pourraient alimenter les articles de wikipédia connexes au sujet :

«Si l'on veut décrire d'un mot le système libéral de Montesquieu, on dira qu'il s'agit de séparer la volonté de ce qu'elle veut, ou encore d'empêcher chacun de pouvoir ce qu'il ne peut s'empêcher de vouloir : le peuple ne peut pas ce qu'il veut, il ne peut qu'élire des représentants en espérant sans le croire qu'ils feront ce qu'ils veut; les représentants ne peuvent pas ce qu'ils veulent mais doivent tenir grand compte de ce que veut l'exécutif; et l'exécutif ne peut pas ce qu'il veut mais doit tenirn grand compte de ce que veut le législatif. A la souveraineté absolue qui décide de tout en dernier ressort, celle du Léviathan de Hobbes, mais aussi, finalement, celle du corps législatif de Locke, se substitue un mécanisme de prise de décision qui rend inutile la souveraineté.
«[...] le compromis, loin d'être choisi par la souveraineté de la délibération, est lui-même le souverain de la décision, puisque ce qui est décidé est la résultante composée de ce qui est voulu par l'un des deux pouvoirs et de ce qui est voulu par l'autre.»

mardi 11 septembre 2007

Thatcher dans le texte

Ci-suivent trois extraits des mémoires de Margaret Thatcher, 10, Downing Street, Mémoires, paru chez Albin Michel en 1993. Ils proviennent tous du même chapitre 25 : « Babel Express, Les relations avec la Communauté européenne entre 1987 et 1990 » et sont remarquables par leur style et les idées exposées, bien plus raffinées que ce que l'opinion française en a retenue. Ils m'avaient frappé quand je les avais lu il y a quelques mois, je m'astreint enfin à les diffuser. Bonne lecture.

Sur la construction européenne, p.594 :

« Le projet fédéraliste franco-allemand était soutenu avec enthousiasme par des forces hétéroclites à l'intérieur de la Communauté - par les pays du sud les plus pauvres qui comptaient tirer une gratification substantielle de sa réalisation ; par les entreprises du Nord qui espéraient imposer leurs coûts élevées à leurs concurrentes ; par les socialistes en raison du champ qu'offrait le projet de l'intervention étatique ; par les chrétiens-démocrates, en raison de leur tradition fortement corporatiste ; et, bien sûr, par la Commission, qui le voyait comme le noyau du futur gouvernement supranational. [...]
« A la fin, toutefois, il n'y eut pas d'autre choix que de soutenir une position radicalement opposée à la direction que la plus grande partie de la Communauté semblait disposer à prendre, de brandir le drapeau de la souveraineté nationale, de la liberté du commerce et de la libre entreprise - et de combattre. Même si je devais me trouver « isolée » dans la Communauté européenne. Mais dans une perspective plus large, les vrais isolationnistes, c'étaient les fédéralistes, qui s'accrochaient opiniâtrement à une demi-Europe quand l'Europe dans son ensemble était en train de se libérer, qui flirtaient avec le protectionnisme quand des marchés réellement globaux émergeaient, qui se laissaient obséder par des projets de centralisation quand la plus gigantesque tentative de centralisation - l'Union soviétique - était au bord de l'effondrement. »

Sur les effets bénéfiques de la liberté du commerce à travers le monde, p604 :

« J'ai toujours considéré la liberté du commerce comme beaucoup plus importante que toutes les autres stratégies globales, ambitieuses et souvent contre-productives - par exemple les politiques de « croissance coordonnée » qui mènent principalement à l'inflation. La liberté du commerce permet aux pays pauvres de gagner des devises étrangères et d'élever le niveau de vie de leurs habitants. En outre, c'est aussi une force de paix, de liberté et de décentralisation politique : de paix, parce que les liens économiques entre nations renforcent la compréhension mutuelle en même temps que les intérêts mutuels ; de liberté, parce que le commerce entre individus contourne l'appareil d'Etat et diffuse le pouvoir parmis les consommateurs au lieu de le concentrer dans les mains des planificateurs ; de décentralisation politique, parce que la taille de l'unité politique n'est pas dictée par la taille du marché et vice versa. »

Sur la Révolution française, p618 :

« Pour moi, qui appartient à un courant dont le père, Edmund Burke, fut le premier grand critique perspicace de la Révolution, les événements de 1789 représentent une perpétuelle illusion de la politique. La Révolution française était une tentative utopique de renverser l'ordre traditionnel - qui avait certainement beaucoup d'imperfections - au nom d'idées abstraites, formulées par des intellectuels vaniteux, qui échoua - non par hasard, mais par la faiblesse et la méchanceté de ses acteurs - dans les purges, le meurtre de masse et la guerre. Sous bien des aspects, elle anticipait la bien plus terrible révolution bolchevique de 1917. La tradition anglaise de la liberté a, quant à elle, grandi à travers les siècles : ses traits les plus marqués sont la continuité, le respect de la loi et le sens de l'équilibre, comme l'a démontré la Glorieuse Révolution de 1688. »

jeudi 6 septembre 2007

Théorie des contradictions moderne

La théorie des contradictions est un lieu commun de la pensée politique, régulièrement une théorie se propose d'expliquer les rapports sociaux non pas en fonction d'un ou plusieurs principes hiérarchisés mais au contraire par des contradictions. Les idées de Proudhon (voir sa notice sur wikipédia dont j'assure la qualité) en donnent une bonne illustration : pour celui-ci la concurrence est souhaitable mais elle est débouche sur son contraire, le monopole ; la propriété marque l'inégalité entre les hommes mais elle est l'objet même de la liberté ; la machinisation accroit la production mais elle abêtit. Liberté et égalité s'opposent irrémédiablement.

Pour certains penseurs, comme Marx, ces contradictions signifient à terme la révolution. En fait c'est le contraire, ces contradictions sont nécessaires et éternelles.

Tentons ici l'esquisse d'une théorie moderne des contradictions.

Crises et stabilités se succèdent par définition mais les crises se succèdent à rapide allure. Donc l'état le plus fréquent est la stabilité, produit de la sédimentation des passions et idées. Une société stable n'est pas le résultat d'une conception intellectuelle saine et éclairée mais le produit d'un ordonnancement des choses qui par hasard est équilibré.

Pour qu'une société soit stable, il faut que la fortune ait donné les talents, les passions, les pouvoirs, à des mains différentes. Il faut que les adversaires aient été placés de façon à annihiler mutuellement leur volonté de changement particulière. Il faut que les partis qui naturellement s'opposent aillent ensemble alors que les frères s'affrontent. A défaut la crise survient et c'en est fait de la stabilité (ce qui peut être bon ou mauvais, là n'est pas le sujet).

Ainsi la société reste stable jusqu'à l'intervention d'un facteur exogène ou un changement de facteur limitant avec le temps.

Comment se concrétise cette théorie des contradictions aujourd'hui ?

Du côté de la droite, on constate que celle-ci est divisée en courants nationalistes, libéraux et socialistes au sens large. Sans l'union de ces trois forces contradictoires, il n'y a plus de droite mais il serait plus juste de parler de simple alliance d'intérêts.

L'observation de la gauche est plus intéressante, qui présente une vraie fusion d'intérêts contradictoires. Elle défend des monopoles alors que c'est là préférer l'intérêt particulier à l'intérêt général, elle est séduite par les idées protectionnistes alors que le protectionnisme (de même que l'aide institutionnalisée aux entreprises en difficulté) nuit à tous les consommateurs et au progrès pour le profit de quelques industries nationales. Une partie de la gauche est fondamentalement totalitaire quand une est plus libérale. Cette fusion des contradictions a pour pendant l'abstraction de ses idées : la gauche défend les droits de l'Homme avec un grand h, ceux d'un homme abstrait, mais l'homme concret mérite à peine son droit de vote.

On peut trouver plein d'illustrations des contradictions qui fondent nos sociétés. La mécanique politique, dessiné par des idéaux ne fonctionne jamais comme prévu : un ordre spontané amène au pouvoir les cyniques et les pragmatiques.

Les extrêmistes sont toujours les alliés objectifs du pouvoir. Qui n'a jamais remarqué l'attrait des idées extrêmistes pour les jeunes de famille rangée ? La société crée ici ses propres éléments d'instabilités, en fait inoffensifs. Faire tenir le discours révolutionnaire par des forces réactionnaires assure la stabilité sociale. Mais ce n'est pas une « ruse de la raison », c'est une de ces contradictions nécessaires à l'ordre social. Les révolutionnaires prétendent recréer un monde meilleur mais leurs revendications utopistes ne se traduisent que dans une agitation stérile, qui affaiblit les réformistes. Et même quand ces révolutionnaires arrivent au pouvoir, il se révèle que le nouveau régime parfait les tendances profondes de celui-là même qu'il renverse. Ainsi de la Révolution française et de l'Empire qui poursuivirent et achevèrent la centralisation française (comme le releva Tocqueville). Ainsi du régime bolchevique qui reprit les traditions tsaristes et son mode de gouvernement. Ainsi de n'importe quelle démocratie/dictature africaine ou sud-américaine.

Le Guépard le réduit en une magnifique formule : « Il faut que tout change pour que tout reste comme avant ».

Que penser de ces contradictions ? Je me bornerai à remarquer que Montesquieu tressait des lauriers aux corps intermédiaires tandis que Mussolini et tous les chefs de régimes qui avaient pour idéal le totalitarisme s'employèrent à les détruire, à abolir toute médiatisation entre l'individu et le pouvoir, au nom du Tout sacré.

lundi 3 septembre 2007

Bar grillé

Le Canard du 29 août (p.7) rapportait une anecdote : lors de l'élection présidentielle de 1988, MM Chirac et Giscard scellèrent leur réconciliation contre Raymond Barre pendant un repas.

Le plat choisi par ces gamins qui nous gouvernent était du bar grillé.