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jeudi 6 septembre 2007

Théorie des contradictions moderne

La théorie des contradictions est un lieu commun de la pensée politique, régulièrement une théorie se propose d'expliquer les rapports sociaux non pas en fonction d'un ou plusieurs principes hiérarchisés mais au contraire par des contradictions. Les idées de Proudhon (voir sa notice sur wikipédia dont j'assure la qualité) en donnent une bonne illustration : pour celui-ci la concurrence est souhaitable mais elle est débouche sur son contraire, le monopole ; la propriété marque l'inégalité entre les hommes mais elle est l'objet même de la liberté ; la machinisation accroit la production mais elle abêtit. Liberté et égalité s'opposent irrémédiablement.

Pour certains penseurs, comme Marx, ces contradictions signifient à terme la révolution. En fait c'est le contraire, ces contradictions sont nécessaires et éternelles.

Tentons ici l'esquisse d'une théorie moderne des contradictions.

Crises et stabilités se succèdent par définition mais les crises se succèdent à rapide allure. Donc l'état le plus fréquent est la stabilité, produit de la sédimentation des passions et idées. Une société stable n'est pas le résultat d'une conception intellectuelle saine et éclairée mais le produit d'un ordonnancement des choses qui par hasard est équilibré.

Pour qu'une société soit stable, il faut que la fortune ait donné les talents, les passions, les pouvoirs, à des mains différentes. Il faut que les adversaires aient été placés de façon à annihiler mutuellement leur volonté de changement particulière. Il faut que les partis qui naturellement s'opposent aillent ensemble alors que les frères s'affrontent. A défaut la crise survient et c'en est fait de la stabilité (ce qui peut être bon ou mauvais, là n'est pas le sujet).

Ainsi la société reste stable jusqu'à l'intervention d'un facteur exogène ou un changement de facteur limitant avec le temps.

Comment se concrétise cette théorie des contradictions aujourd'hui ?

Du côté de la droite, on constate que celle-ci est divisée en courants nationalistes, libéraux et socialistes au sens large. Sans l'union de ces trois forces contradictoires, il n'y a plus de droite mais il serait plus juste de parler de simple alliance d'intérêts.

L'observation de la gauche est plus intéressante, qui présente une vraie fusion d'intérêts contradictoires. Elle défend des monopoles alors que c'est là préférer l'intérêt particulier à l'intérêt général, elle est séduite par les idées protectionnistes alors que le protectionnisme (de même que l'aide institutionnalisée aux entreprises en difficulté) nuit à tous les consommateurs et au progrès pour le profit de quelques industries nationales. Une partie de la gauche est fondamentalement totalitaire quand une est plus libérale. Cette fusion des contradictions a pour pendant l'abstraction de ses idées : la gauche défend les droits de l'Homme avec un grand h, ceux d'un homme abstrait, mais l'homme concret mérite à peine son droit de vote.

On peut trouver plein d'illustrations des contradictions qui fondent nos sociétés. La mécanique politique, dessiné par des idéaux ne fonctionne jamais comme prévu : un ordre spontané amène au pouvoir les cyniques et les pragmatiques.

Les extrêmistes sont toujours les alliés objectifs du pouvoir. Qui n'a jamais remarqué l'attrait des idées extrêmistes pour les jeunes de famille rangée ? La société crée ici ses propres éléments d'instabilités, en fait inoffensifs. Faire tenir le discours révolutionnaire par des forces réactionnaires assure la stabilité sociale. Mais ce n'est pas une « ruse de la raison », c'est une de ces contradictions nécessaires à l'ordre social. Les révolutionnaires prétendent recréer un monde meilleur mais leurs revendications utopistes ne se traduisent que dans une agitation stérile, qui affaiblit les réformistes. Et même quand ces révolutionnaires arrivent au pouvoir, il se révèle que le nouveau régime parfait les tendances profondes de celui-là même qu'il renverse. Ainsi de la Révolution française et de l'Empire qui poursuivirent et achevèrent la centralisation française (comme le releva Tocqueville). Ainsi du régime bolchevique qui reprit les traditions tsaristes et son mode de gouvernement. Ainsi de n'importe quelle démocratie/dictature africaine ou sud-américaine.

Le Guépard le réduit en une magnifique formule : « Il faut que tout change pour que tout reste comme avant ».

Que penser de ces contradictions ? Je me bornerai à remarquer que Montesquieu tressait des lauriers aux corps intermédiaires tandis que Mussolini et tous les chefs de régimes qui avaient pour idéal le totalitarisme s'employèrent à les détruire, à abolir toute médiatisation entre l'individu et le pouvoir, au nom du Tout sacré.

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