Etes-vous quelqu'un de différent ?

lundi 1 février 2010

Le débat pourri du réchauffement climatique

On assiste actuellement à une remise en cause du consensus selon lequel le réchauffement climatique est un fait. Enfin "remise en cause" c'est beaucoup dire. Disons que quelques amateurs ont décidé que le réchauffement climatique était le cheval de Troie de l'étatisme.

Un peu d'ad hominem

En témoigne le numéro d'autosatisfaction de Drieu Godefridi sur lemonde.fr :
Le GIEC est mort, vive le débat !, charge contre le "terrorisme intellectuel" et l'arrogance des savants. Peut-être cet auteur ne sait-il pas qu'au Monde on aime bien ouvrir des tribunes à des points de vue pour mieux les étriller dans les répliques qui suivront. A ce petit jeu, le Monde invite rarement le meilleur champion de la cause qu'il veut démolir.

Ce qui m'embête le plus c'est que l'intéressé se dit libéral et amateur de Hayek. Oculos habent et non videbunt. Ferait-il partie de ces drôles de libéraux qui voient des complots étatistes partout, font une fixette sur l'islamofascisme et adorent les néoconservateurs ?

Assez d'ad hominem. Revenons au sujet. Que savons-nous du réchauffement climatique ?

Réponse : d'une part ce qu'on nous en dit et d'autre part la connaissance de quelques phénomènes qui ne posent pas débat tels que la fonte de glaciers millénaires et le déplacement d'espèces tropicales vers les régions censées être plus froides.

A titre personnel je ne me suis pas penché sur les preuves du débat climatologique. Comme les climatosceptiques aiment à le souligner, il y a beaucoup de faux experts dans ce débat, voeu de prudence artificiel qui signifie juste que leur opinion vaut celle des autres. Moi je ne sais pas, je le dis et je ne m'amuse pas à aller me forger mon opinion moi-même. La quête de vérité de l'amateur se finit trop souvent en prenant ses vessies pour des lanternes.

Si je ne m'y connais pas, je peux néanmoins constater quelque chose d'absolument frappant qui est la faiblesse de l'argumentation climatosceptique et son accompagnement par une puissante interprétation idéologique.

Le fondement rationnel du climatoscepticisme : des données bien douteuses

L'argumentation climatosceptique se focalise sur plusieurs données dont elle a révélé avec raison la totale vacuité (glaciers de l'Himalaya, courbe d'Al Gore, relevés de température douteux etc). Loin d'y voir la nécessaire occurrence d'erreur d'hommes faillibles ou simplement d'être humble dans la victoire, elle croit y trouver le début d'une falsification générale, duquel elle va révéler toute une mascarade comme on tire sur le fil d'un tricot pour le défaire.

Mais en réalité, si malgré tous leurs efforts les climatosceptiques n'ont pu trouver que ces quelques faits, sur lesquels ils s'appesantissent, c'est précisément parce qu'ils ne trouvent pas autre chose. Ils n'ont été aucunement capable de renverser la trame générale de faits en faveur de la théorie du réchauffement climatique.

Néanmoins ils ont effectivement révélé plusieurs affaires particulièrement lamentables de manque de rigueur chez les climatologues et sont à l'origine de la révision à la baisse de plusieurs prévisions excessivement catastrophiques. Ceci doit être porté à leur crédit.

Le fondement irrationnel du climatoscepticisme : le soupçon politique

Pourquoi les climatosceptiques ont-ils tant de soupçon contre la théorie du réchauffement climatique et de complaisance pour la théorie du complot climatologique ? Parce qu'il y a quelque chose de pourri dans le débat sur le réchauffement climatique, qui est la facilité avec laquelle la théorie du réchauffement climatique se prête à une interprétation politique.

Le levier de la critique : le millénarisme

En effet cette théorie présente les traits d'un millénarisme : la fin du monde est proche (la température augmente, nous serons submergés), elle est la conséquence de vos péchés (consommateurs égoïstes), adoptez une vie plus frugale, rejetez vos richesses, obéissez aux prophètes. De plus cette théorie se mélange aisément avec du sentimentalisme (les pays pauvres seront les premiers touchés... évidemment !), un faible esprit critique (refus de tout débat, haine de l'opinion divergente) et bien sur et surtout : de l'étatisme (il faut transformer le système en économie dirigée, faites-nous confiance).

Même si le réchauffement climatique est une théorie correcte, sa promotion n'est donc pas indifférente à quelques considérations idéologiques et il serait bon que les gens sérieux fassent le ménage des décroissants et autres rigolos.

Il est par ailleurs remarquable que nous subissions en permanence l'annonce d'une catastrophe : quid du trou de la couche d'ozone ? Il a fait pshit. Quid du DDT ? De la grippe A ? de la grippe aviaire ? De la crise financière ? Etc De quoi alimenter le soupçon.

Idéologisme des climatosceptiques

Les climatosceptiques ne sont pas en reste. A vrai dire, ils sont les plus idéologiques dans cette histoire, capable de vous dire à la fois que le réchauffement n'existe pas et que ce réchauffement existe mais n'a pas une source humaine... La coïncidence qu'ils décernent entre le mal putatif du réchauffement et le remède étatique qu'on lui attribue est décisive dans leur conviction soi-disant climatosceptique.

Le traitement des faits est incapable de s'abstenir d'une critique idéologique : on se contentera ainsi des erreurs et des excès de ceux qui soutiennent l'existence du réchauffement pour illustrer un phénomène dont on a décidé que les causes étaient politiques.

Détail amusant : les même climatosceptiques qui se gaussent de ceux qui font confiance sur parole aux scientifiques du GIEC s'abreuvent-ils de blogs pour s'informer...

Conclusion

Le succès relatif de la critique climatosceptique a au moins ceci de positif : la confrontation va avoir lieu et un camp en retirera une légitimité. En attendant il convient de ne pas mélanger les causes et en particulier ne pas risquer d'associer la cause climatosceptique à d'autres enjeux tels que le libéralisme économique, comme si une économie de marché n'était pas à même de faire face au défi du réchauffement climatique dans le cas où celui-ci serait établi.

2 commentaires:

Nick de Cusa a dit…

Ton affirmation selon laquelle le climatorationalisme ne sait pas être apolitique est tout bonnement fausse. Relis Climate Audit et en particulier les critiques de Steve McIntyre lui même.

aludo a dit…

Mais non, Nick, il a raison.
Cela ne veut pas dire que TOUS les climato"sceptiques" (ou "rationalistes"?) sont idéologiquement orientés. Dans les deux "camps", il existe probablement quelques individus qui essaient de ne pas polluer le débat SCIENTIFIQUE avec des arrière-pensées idéologiques. Mais cette probité intellectuelle est rare, convenons-en.
Pour le reste... les passionaria du rechauffisme sont, certes, des communistes trop contents d'avoir trouvé une justification leur paraissant défendable et imparable. En sens inverse, leur répond une même hargne qui fait que tout libéral se doit de nier le rechauffement: stupidement, ces derniers avalisent ainsi l'arrière-trame intellectuelle des premiers, ie: "rechauffement d'origine humaine -> nécessité d'intervention étatique".